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L’attribution dans les manuscrits musicaux de trouvères : la circulation d’une idée
Par Pascale Duhamel
Publication en ligne le 11 mai 2023
Résumé
This article contributes to the study of the emergence of composership starting in the Middle Ages, by examining the presence of repeated attributions in four notated manuscripts of trouvères. Independently of musico-poetic creation processes and using Foucault’s notion of author-function, the analyses show that the names of trouvères in the form of attributions, their repetition, their placement in the page layout, and their link with the notated music, reveals the emergence on the page of a musico-textual author-function. The presence of attributions in other manuscripts suggests that this emergence took place and circulated more widely.
Cet article contribue à l’étude de l’émergence de la notion de compositeur à partir du Moyen Âge en examinant la présence d’attributions répétées dans quatre manuscrits notés de trouvères. Indépendamment des modes de création musico-poétique et à partir de la notion de fonction-auteur de Foucault, les analyses montrent que les noms de trouvères sous forme d’attributions, leur répétition, leur placement dans la mise-en-page, et leur lien avec la musique notée, témoignent de l’émergence sur la page d’une fonction-auteur musico-textuelle. La présence d’attributions dans d’autres manuscrits suggère que cette émergence ait eu lieu et circulé plus largement.
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Table des matières
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L’attribution dans les manuscrits musicaux de trouvères : la circulation d’une idée (version PDF) (application/pdf – 2,9M)
Texte intégral
1Depuis maintenant une trentaine d’années, l’étude de la littérature médiévale s’est attachée à remettre en question l’idée reçue1 selon laquelle la dimension orale de la littérature médiévale excluait l’existence d’une forme d’autoriat, de façon à mieux comprendre l’émergence de cette notion au Moyen Âge dans ses multiples modalités2. Ces études ont entre autres profité des recherches faites sur l’histoire du nom propre, de ses usages3 et sur l’émergence de l’individu4. Malgré les liens évidents et complexes entre littérature et musique médiévales, ce n’est que récemment que la musicologie a commencé à s’intéresser à l’émergence de la notion de compositeur au Moyen Âge.
2La réévaluation de cette même doxa en ce qui concerne la musique médiévale prend plusieurs formes. Elle se penche sur divers segments de son répertoire, examine des traités et des textes littéraires commentant la création musicale, ou se limite encore parfois à la critique d’attribution. Les études qui tentent de mieux comprendre l’idée du créateur de musique ayant cours durant les derniers siècles du Moyen Âge s’appuient souvent encore, bien involontairement, sur une idée du créateur et du compositeur comportant des éléments appartenant à des périodes plus récentes, tels que le style, l’originalité ou le génie. C’est pourquoi une discussion de l’émergence de cette notion peut faire intervenir dans l’ordre ou dans le désordre des analyses relevant de l’histoire du mot « compositeur », de l’importance de la transmission écrite et diverses définitions de la musique. Elle doit également considérer auxquels de ces phénomènes renvoient l’utilisation d’un nom de compositeur5. La notion de compositeur est en effet très complexe. À l’analyse, on s’aperçoit que cette notion, telle qu’on la conçoit spontanément, fait interagir plusieurs aspects se rapportant généralement à trois instances : la représentation de la personne créatrice, les modalités et les conceptions de la création musicale, et les rôles joués par l’écrit6. Or, afin de remonter au-delà d’une notion de compositeur qui s’apparente à la nôtre et identifier comment cette notion s’est formée plus haut dans le temps, il est préférable de déconstruire cette notion et d’analyser indépendamment chacune de ses composantes, selon qu’elle se rapporte à une instance ou une autre. Le programme de recherche7 que j’ai entrepris il y a quelques années prend justement une de ces composantes de la première instance comme dénominateur commun de nos analyses, c’est-à-dire l’occurrence d’un nom renvoyant à une personne. Ce nom, dans les manuscrits musicaux, prend la forme d’une attribution, qui est le plus souvent ajoutée au moment de la copie.
3Ce nom occupe une place de choix dans l’analyse de la notion d’auteur par Foucault qui s’est concentré entre autres sur le fait que le nom de l’auteur ne fonctionne pas comme un nom ordinaire8. Bien que le nom soit compris de diverses manières, l’ajout du nom sous forme d’attribution correspond au geste premier d’assigner un nom à une création. Ce geste trahit en effet l’existence d’une question – d’où vient cette création ? – et le fait que la réponse prend la forme d’un nom de personne9. Que ce nom soit fictif ou non importe peu lorsqu’on s’intéresse à l’émergence de cette idée correspondant à une « fonction-auteur »10 ou un « effet-auteur »11 que cette question-réponse produit12. Cette fonction-auteur est renforcée lorsqu’une œuvre est réunie sous un nom, créant alors une synergie entre l’établissement d’une œuvre et celui d’un auteur13.
4Ce nom tel qu’analysé par Foucault se rapporte donc à ce que l’on pourrait appeler le degré minimal de la notion d’auteur, c’est-à-dire à l’occurrence seule d’une idée prenant la forme d’un nom de personne. Cette idée sous la forme d’un nom manifeste une fonction-auteur qui, à travers le temps et les cas examinés, se transforme et recouvre différents éléments. Lorsqu’on tente de mieux comprendre l’occurrence seule de cette manifestation de la fonction-auteur, il faut tenir compte de deux restrictions importantes. La première est que l’exactitude de l’attribution n’est pas une donnée pertinente ; seule sa présence l’est puisqu’elle révèle, derrière le geste d’attribuer, l’existence d’une idée correspondant à la fonction-auteur. Les analyses qui suivront prennent donc l’attribution en tant que telle, c’est-à-dire comme une information pertinente en elle-même et possiblement considérée comme juste par les acteurs de ces attributions. L’autre aspect est que cette fonction-auteur est indépendante des modalités de production des textes poétiques et musicaux auxquels elle est appliquée. Au moment de la mise par écrit, que les textes aient été produits oralement par composition collective ou par un individu, ou à l’aide de l’écriture dans des proportions variées, et que sa transmission orale et écrite implique un certain degré de mouvance, aucune de ces modalités n’a d’incidence réelle sur le fait que l’objet mis par écrit reçoive un nom d’auteur. C’est pourquoi nous préférons utiliser l’expression « créateur de musique » plutôt que celle de « compositeur » qui rappelle trop à notre imagination des référents anachroniques tels que ceux évoqués plus haut.
5La démarche que l’on propose donc est d’adopter cette approche afin de se pencher sur l’apparition des attributions dans les manuscrits musicaux, pour mieux y comprendre l’importance de cette manifestation de la fonction-auteur14. Une première partie donnera des précisions sur la notion d’auteur au Moyen Âge et son articulation avec notre approche. Il sera question dans un deuxième temps des manuscrits musicaux. À part quelques exceptions notables, les premiers qui se démarquent par l’utilisation répétée de l’attribution sont un ensemble de manuscrits au sein du corpus des trouvères et des troubadours, datant principalement de la deuxième moitié du xiiie siècle et du début du xive siècle. Quelques précisions seront données sur quatre d’entre eux, dont les attributions seront analysées dans l’étape suivante du point de vue de leur fréquence et de leur emplacement. Les manuscrits examinés seront approchés comme des objets témoignant, par l’entremise de leurs aspects matériels et visuels, d’un contexte intellectuel ayant présidé à leur réalisation à un moment précis dans le temps et l’espace, et non se rapportant à la musique ou aux textes tels qu’élaborés en amont15. Pour finir, nous tenterons de saisir l’impact de ces attributions dans les manuscrits de trouvères sur l’émergence de l’idée de créateur de musique.
La notion d’auteur
6L’autoriat en littérature a été exploré simultanément de diverses façons. L’une d’entre elles, qui a laissé une marque profonde, est passée par la question de départ « qui parle ainsi ? » posée par Roland Barthes dans son « Mort de l’auteur », demandant s’il s’agit du personnage qui prend la parole, de l’auteur qui parle à travers son personnage, de l’auteur en marge du récit, ou d’une parole non individualisée16. Tout récit, en effet, implique la possibilité que l’auteur, le personnage, le narrateur et le scripteur se superposent. C’est pourquoi plusieurs littéraires ont préféré approcher l’auteur en analysant les récits où l’auteur se met en scène et crée un personnage de lui-même, produisant un « je » équivoque17. Michel Zink a d’ailleurs contribué de façon fondatrice à la question avec La subjectivité littéraire, en analysant ce qui se rapporte à l’expression du « je » des personnages et à leurs discours introspectifs, touchant du même coup la prise de parole de l’auteur18. Cette approche, en amalgamant la fonction-auteur avec la fonction-sujet, a toutefois obscurci dans une certaine mesure les descriptions de l’émergence et des transformations de l’autorialité – en tant que fonction-auteur – des trois derniers siècles du Moyen Âge19.
7Or, la collection d’articles dirigée par Danielle Buschinger opère une distinction entre ces deux fonctions en s’attachant à montrer comment est créé, à travers différents dispositifs, un « effet-auteur »20, permettant d’identifier certains éléments constitutifs de la fonction-auteur qui s’y trouve. Cette approche se limite en quelque sorte à l’expression du sujet qui crée, correspondant aux moments où l’auteur prend la parole en tant qu’auteur alors qu’il considère lui-même le travail créatif qu’il est en train de faire21. Il produit ainsi en tant qu’auteur un discours qui exprime directement ou indirectement ce qu’est être un auteur. Les différentes analyses réunies par Buschinger montrent qu’un « effet-auteur » est produit entre autres lorsque cette voix se nomme, présente son travail, et explique son objectif et l’organisation de son ouvrage en termes de méthode ou de forme ; ce que font par exemple Gautier de Coinci, Guiot de Provins, Brunetto Latini et Vincent de Beauvais22. L’auteur va parfois jusqu’à expliquer comment il traite ses sources23. Il peut par ailleurs s’adresser à son lecteur ou son public, répondre à des critiques réelles ou anticipées, chercher à se démarquer de ses collègues, et mettre en valeur son labeur et sa compétence24.
8On retrouve aussi cet « effet-auteur » lorsque Benoît de Sainte-Maure précise dans son Roman de Troie pourquoi il juge Darès être une source plus fiable qu’Homère25, et lorsqu’est affirmé dans le Tristan et Yseut que Béroul se souvient mieux de la bonne version de leurs aventures26. L’autoriat de Marie de France est particulièrement riche : non seulement elle se nomme et précise qu’elle écrit pour ne pas être oubliée27 mais indique aussi la nature de son travail. L’étude de ses prises de parole autoriale montre qu’elle a également un objectif clair de transmission28. Carla Rossi, à travers ses analyses, arrive à une vision de l’auteur très similaire à celle de l’« effet-auteur », puisqu’elle avance que, même lorsque le nom de l’auteur est équivoque (identités synonymiques multiples), « au Moyen Âge, il y a une façon personnelle de l’auteur d’investir ou d’habiter son rôle : un auteur peut négocier sa position dans le champ littéraire par divers modes de présentation de soi ou postures »29.
9Entre le xiie et le début du xive siècle, avant que le premier humanisme italien entre en jeu, la fonction-auteur, l’effet-auteur et l’autoriat en général varient et se transforment. Bien que plusieurs travaux aient mis en relief des autoriats spécifiques, nous ne disposons pas à ce jour de travail de synthèse décrivant ces transformations de l’autoriat pour cette période qui distingueraient strictement la fonction-auteur de la fonction-sujet. Les différentes études littéraires démontrent toutefois que ces transformations impliquent différentes postures d’autorité, et différents modes d’inscription de l’autoriat dans le texte. Selon Galderisi, très généralement, dès le xiie siècle, on tend à inscrire l’expression autoriale en l’intégrant dans la poésie, alors que vers la fin du xiiie siècle, cette expression s’inscrit davantage en marge de l’ouvrage30.
10Il ne faut toutefois pas oublier que la personne et le rôle de l’auteur se construisent également au niveau de la réception. En effet, le nom qui incarne la fonction-auteur peut prendre deux formes : la prise de parole autoriale – incluant le poète se nommant dans sa poésie (sphragis) assimilable à la signature – qui se situe au niveau de la subjectivité de l’auteur, et l’attribution qui se situe plutôt au niveau de la réception et du traitement de l’« œuvre », puisque l’attribution vient par définition de l’extérieur. Les manuscrits musicaux autographes où figure un nom d’auteur étant très rares et surtout plus tardifs, nous devons donc nécessairement être conscients que, lorsqu’on considère l’attribution dans ces manuscrits, l’analyse ne prend pas pour objet l’auteur en tant que fonction-sujet, mais bien plutôt le nom comme fonction-auteur au niveau de la réception. Les études littéraires, en se concentrant sur la subjectivé de l’auteur, ont quelque peu négligé cet aspect, alors que cette perception de l’auteur par le milieu qui reçoit son ouvrage est également importante pour comprendre dans quelle mesure la notion d’auteur a cours dans la société lettrée du Moyen Âge31.
11Un certain nombre de témoignages et de discours sur l’auteur nous permettent néanmoins d’observer comment ont fonctionné les noms de personnes incarnant une fonction-auteur au niveau de la réception. Ce nom est en effet crucial pour l’élaboration et le développement de la tradition médiévale de la bibliographie et surtout de la biobibliographie, telle que détaillée par Richard H. et Mary A. Rouse32, et qui remonte au De viris illustribus de saint Jérôme33. Dès cet ouvrage, le nom fonctionne comme point d’ancrage auquel se réfèrent à la fois une notice biographique et une liste d’ouvrages, établissant en quelque sorte une fonction-auteur sous forme de nom de personne étayée par l’établissement d’une œuvre. Le De viris illustribus de saint Jérôme et les biobibliographies qui l’ont complété, ainsi que les autres types de bibliographies, toutes centrées sur les noms d’auteur, ont servi autant à dresser des listes d’ouvrages devant constituer une bibliothèque de base, qu’à évaluer et authentifier des textes. Du ixe siècle au xve siècle, on a aussi inséré les notices biographiques d’auteur du De viris illustribus de saint Jérôme34, pour introduire leurs ouvrages, montrant dans quelle mesure le nom en tant que fonction-auteur opérait comme un point de référence35.
12Empruntant à cette tradition, un autre type de textes utilise le nom d’auteur de façon comparable. Il s’agit des « accessus » et des introductions aux disciplines dans la littérature universitaire et didascalique36. Dans plusieurs de ces guides, l’habitude de définir le texte de référence selon les quatre causes aristotéliciennes fait en sorte qu’on y donne un nom d’auteur comme cause efficiente37. De façon moins formelle, il apparaît aussi que le titre d’un ouvrage a besoin du nom de son auteur, de telle sorte que le titre finit par englober le nom de l’auteur, résultat s’expliquant sans doute par l’idée qu’il était impossible d’évaluer le degré d’autorité d’un texte s’il n’a pas de nom d’auteur. Ce qui amène Pascale Bourgain à avancer que « tandis que la recherche contemporaine cherche l’individu sous l’auteur, la critique médiévale cherchait à constituer le personnage de l’auteur »38 afin de savoir comment évaluer le texte.
13Saint Bonaventure et Vincent de Beauvais nous offrent par ailleurs de véritables réflexions sur ce que sont les auteurs dans le cadre de leur travail. Saint Bonaventure, dans une question disputée servant d’introduction à ses « Commentaires aux Sentences de Pierre Lombard », présente Pierre Lombard en tant que cause efficiente des Sentences, après une analyse qui l’amène à définir les quatre façons de faire un livre, et à définir l’autoriat de Pierre Lombard dans cette catégorisation39. On y trouve le scribe, le compilateur, le commentateur et l’auteur, et les explications de saint Bonaventure montrent que ces notions d’autoriat étaient poreuses et recouvraient plusieurs méthodes de production d’un texte. En particulier, il est crucial de noter que pour Bonaventure la différence entre le compilateur et l’auteur se mesure moins à la nature du travail qu’au degré auquel est intériorisée la matière traitée40.
14Les notions d’auteur présentent une autre flexibilité chez Vincent de Beauvais. Son Speculum maius (Speculum naturale, Speculum doctrinale et Speculum historiale) est essentiellement une compilation d’autorités et une synthèse des savoirs à l’usage des frères prêcheurs. Ses deux versions commencent donc par un prologue en dix-sept chapitres41 argumentant son utilisation des textes et l’organisation de son ouvrage. On y retrouve donc une prise de parole autoriale, mais surtout un discours sur son traitement des différents auteurs. Vincent présente, entre autres, sa propre hiérarchie d’autorités, composée de trois degrés, où le statut d’auteur est une fonction du degré d’autorité42. Dans cette logique, le texte sans aucune autorité n’a pas d’auteur mais un scriptor, et la grande autorité d’un auteur et de son texte fait en sorte qu’il s’élève au statut d’auteur. Mais alors qu’il reconnaît l’importance de l’autorité, il prend également la défense de la lecture de textes de moindre autorité, et d’une liberté du lecteur de juger de cette autorité. Il y a donc une tension notée par Monique Paulmier-Foucart43, entre l’autorité octroyée par la tradition et la position personnelle de Vincent, qui produit en quelque sorte une notion d’auteur neutre à laquelle est octroyé un certain degré d’autorité qui est flexible. Après avoir traité de l’autorité, Vincent ajoute des détails sur son traitement des noms d’auteur. Il indique en effet très clairement l’origine des textes. Dans la version de c. 1244, Vincent de Beauvais explique qu’on trouve sous la mention « actor » son propre discours empruntant à son savoir, à celui de ses maîtres et de ses contemporains. Or, entre cette version et la suivante de c. 1259, certaines autorités recouvertes par cette mention d’« actor » ont acquis des noms d’auteurs44. Ainsi, en raison de changements de la perception et de pressions de la part de ses supérieurs, ces maîtres ont accédé à un statut amélioré d’auteur45.
15Dans la foulée de la culture du livre qui se met en place au xiiie siècle, la fonction-auteur, au rythme des transformations de l’idée d’auteur, va rapidement être renforcée visuellement dans les manuscrits et leurs mises en page. Les attributions sont en effet de plus en plus visibles. À ce sujet d’ailleurs, dans le chapitre 3 de son Libellus apologeticus exposant sa hiérarchie des autorités, Vincent de Beauvais commente l’aspect visuel de ses références textuelles. Il signale en effet que les noms des autorités qu’il cite sont donnés à l’intérieur de la colonne de texte, pour éviter, nous dit-il, les désavantages des attributions en marge46. Ces attributions font partie d’un ensemble de procédés visuels d’organisation des manuscrits facilitant la lecture et le repérage47. Ils soulignent l’organisation de l’ouvrage, parfois explicitée par l’auteur, à travers des rubriques, des titres, des titres courants, des numérotations, et même par des tables organisées. Les pages où figurent les attributions en début de texte intègrent aussi parfois des représentations de l’auteur48. Cette façon de rubriquer et d’intégrer un nom d’auteur dans la page nous renseigne sur sa fonction de repère et sur le rôle qu’il acquiert graduellement dans la culture du livre, reflétant donc la place que prend la fonction-auteur sous la simple forme de nom, et ce, au niveau de son traitement et de sa réception.
Les manuscrits musicaux de trouvères
16Cette façon de souligner visuellement l’organisation du manuscrit et de rendre l’attribution bien visible se remarque tout particulièrement dans les manuscrits de trouvères de la deuxième moitié du xiiie et du début du xive siècle. Ces manuscrits se démarquent par leur forte proportion de manuscrits notés49 et par la grande présence d’attributions. En effet, sur les seize manuscrits musicaux principaux de trouvères, dix contiennent des attributions, et deux seulement quelques-unes ayant été probablement ajoutées longtemps après leur création50.
17Eduard Schwan, Carla Maria Battelli et Sylvia Huot ont bien mis en lumière l’organisation des manuscrits51. On y trouve des sections par trouvères, des sections par genres et des sections anonymes. Ce sont principalement les sections de chansons par trouvères qui reçoivent des attributions à répétition (et très rarement d’autres genres), et qui figurent en tête de manuscrit, leur donnant ainsi une place privilégiée exprimant la relation entre attribution et autorité52.
18Elizabeth Aubrey et bien d’autres ont observé53 qu’on décèle aisément dans ces sections l’intention de rassembler les chansons par trouvère54 et ainsi d’organiser ces sections autour de leur nom en tant que fonction-auteur, malgré les aléas subis par ces manuscrits55. L’exemple le plus parlant soulignant un souci pour la cohésion des séries par trouvères se trouve dans le manuscrit M, au folio 12v où on remarque, au cœur de la série dédiée à Thibaut de Champagne, une chanson portant une attribution à Richard de Fournival qui a la particularité d’être inscrite en vert. Il s’agit de la seule attribution de cette couleur dans tout le manuscrit. Le choix d’une différente couleur suggère que l’on a voulu attirer l’attention sur une chanson qui n’appartenait pas à cette série : elle révèle simultanément le souci pour l’attribution et pour la cohésion des séries de trouvères. Cette organisation par trouvères est aussi parfois reflétée dans les tables insérées en tête de certains manuscrits, qu’elles témoignent d’un projet ou d’une lecture structurée56, et ce, même quand la production de ces manuscrits est considérée comme ad hoc57.
19Ce principe de cohésion est très souvent assorti d’un principe de hiérarchie soulignée visuellement par la décoration et parfois par une représentation du trouvère, le plus souvent sous les traits d’un chevalier, d’un orateur ou avec un instrument de musique58. Le statut social joue évidemment un grand rôle dans la hiérarchisation des trouvères59. Toutefois, trois manuscrits apparentés (K, N et X) promeuvent des trouvères sans égards pour leur statut social, et des chansons « couronnées » dans plusieurs manuscrits ont le même effet à travers des résultats de concours60. Ces faits montrent que d’autres critères, associés entre autres à leur pratique musico-poétique, peuvent entrer en jeu dans la hiérarchisation des trouvères. Il y a en effet des interactions complexes entre l’évaluation de créations et la représentation de la personne créatrice, incarnée ici par le trouvère-auteur61.
20L’organisation des sections de chansons avec attributions, le principe de cohésion des séries de trouvères dans ces sections, et celui de leur hiérarchisation, tous ces éléments contribuent à créer pour chaque trouvère un effet-auteur fort. Comme l’indiquait Foucault62, en créant des anthologies de chansons pour chaque trouvère, c’est-à-dire en rassemblant sous chaque nom une « œuvre », dont le début est souvent souligné visuellement, ces séries produisent des couples auteur-œuvre donnant du corps au nom du trouvère en tant que fonction-auteur.
21Dans ce contexte, afin de montrer plus en détail comment les attributions sont portées sur la page, et comment elles fonctionnent, leur analyse a été limitée à quatre manuscrits : M63, T64, a65 et P66. Selon les analyses, M est daté des environs de 1260, entre 1253 et 128967 et T des années 1260 aux années 128068. On date le manuscrit a de la période 1290-130069 ou du début du xive siècle70. Enfin, P a été copié en 1270-128071. Ces quatre manuscrits sont représentatifs du corpus de dix manuscrits musicaux de trouvères avec attributions, donné en annexes, en termes de cohésion des séries de trouvères72, et en termes de hiérarchisation par l’ordre et/ou la décoration. En tant qu’échantillon, ils ont également l’avantage de représenter deux familles distinctes de manuscrits de trouvères puisque, selon Schwan73, M, T, a et A (Arras, Bibliothèque municipale, manuscrit 139) forment un premier groupe dans lequel M et T d’une part, et a et A d’autre part sont plus directement apparentés74 ; K, N, P, X constituent un deuxième groupe dans lequel P apparaît comme légèrement plus haut dans la tradition qu’ils représentent75.
Les attributions dans M, T, a et P
22Les attributions individuelles contribuent aussi à construire l’effet-auteur et la fonction-auteur du trouvère. Ces attributions prennent plusieurs formes. Lorsqu’elles se trouvent en tête de série, le nom du trouvère apparaît en rubrique seul ou en une phrase plus ou moins détaillée. Elles peuvent aussi figurer à chaque chanson, sous forme de courte rubrique dans le corps de la colonne de texte, en marge, ou plus rarement dans une bulle (K et N). Les attributions peuvent enfin se trouver dans les tables, particulièrement si elles sont organisées par trouvères. La mise en page des manuscrits est marquée par une grande insistance sur l’attribution, conférant de l’autorité au nom du trouvère76.
Répétition et redondance
23À l’intérieur de chaque série de trouvère, les attributions sont effectivement répétées à chaque chanson, et non pas seulement en tête de série. Une attribution au même trouvère peut donc se retrouver répétée jusqu’à quatre fois sur une seule double-page. C’est le cas par exemple dans le manuscrit M, aux folios 126v-127r, où le nom de Colart le Boutellier est répété quatre fois, incluant par ailleurs une initiale historiée d’une possible représentation du trouvère aux pieds de sa dame77. Dans le manuscrit T, trois répétitions d’un même nom sur une double-page est fréquente, et peut s’élever jusqu’à quatre fois78. Dans le manuscrit a, aux folios 21v-22r79, on voit d’un seul coup d’œil le nom du Vidame de Chartres trois fois. Dans le manuscrit P, un même nom de trouvère est le plus souvent répété deux fois sur une double-page, mais on trouve quelques doubles-pages où le même nom est répété trois fois, par exemple avec Robert de Blois80.
24Dans le cas de certains manuscrits, ce nom du trouvère se retrouve aussi dans une rubrique attributive en tête de série, qui crée comme le faisait remarquer Mark Everist81, une redondance, la plupart du temps produite par une formulation faisant en sorte que la rubrique attributive s’applique à toutes les chansons de la série, en plus des attributions individuelles. Dans le manuscrit M, deux séries de trouvères présentent cette redondance. Au folio 80r, le début de la série consacrée aux chansons de Gilles de Vies Maisons annonce « Ci coumencent les canchons mon Signeur Gilon de vies maisons », et semblablement au folio 87r le début de la série consacrée aux chansons de Gautier de Dargies annonce « Ci coumencent les cancons mon Signeur Gautiers dargies ». Dans le manuscrit T, la seule redondance de ce type est produite au début de la série initiale consacrée à Thibaut de Champagne. Elle annonce au folio 1r : « Li rois de Navare fist ces chancons ». Dans ce cas-ci la répétition est probablement une expression spécifique de l’autorité de Thibaut dans le manuscrit82. La seule redondance trouvée dans le manuscrit P est semblable, mais elle est faite au profit de Gace Brulé : « Ce fist Gace brullez dont … » (P, fol. 1r), où les deux ou trois derniers mots sont malheureusement illisibles.
25Dans le cas du manuscrit a, les mutilations ont presque systématiquement enlevé le premier folio de chaque série de trouvères. Il en reste pourtant quelques-unes qui suggèrent l’existence à l’origine de plusieurs de ces rubriques attributives créant des redondances. Ainsi, le folio 18r, initiant la série consacrée à Gace Brulé commence avec la rubrique « Ce sont les cancons mon seigneur gasson » ; le folio 21r, une nouvelle série commence par : « Ce sont les chancons le vidame de chartres ». C’est également le cas pour Colart le Boutellier (fol. 69r), Jehan de Grivelier (fol. 82r), Perrin d’Angicourt (fol. 94r) et Martin le Béguin de Cambrai (fol. 100r).
26Même s’ils ne sont pas examinés en détail ici, il faut noter que cette redondance atteint son niveau maximal dans les chansonniers N et K, puisqu’on y trouve des rubriques attributives qui non seulement soulignent le début des séries, mais également leur fin83.
27Un autre type de redondance s’observe dans les manuscrits M et a puisque les attributions se retrouvent aussi dans leur table. Cette redondance prend un caractère particulier dans le manuscrit a puisque la table répète exactement les formules des rubriques attributives. Par exemple, la rubrique au début de la série consacrée au Vidame de Chartres est la même que le titre de série dans la table au folio 1r84. C’est également le cas pour toutes les autres rubriques attributives mentionnées plus haut85. Ce qui nous permet, en outre, de confirmer qu’il y avait effectivement des rubriques attributives en tête de série pour plusieurs autres trouvères86.
Soins et corrections des attributions individuelles
28Un certain nombre d’observations additionnelles confirment davantage encore le soin particulier donné aux attributions individuelles. Dans les quatre manuscrits examinés, celles-ci sont principalement insérées dans la colonne, mais parfois en marge, au début des chansons. Dans certains cas, l’attribution est séparée de la pièce à laquelle elle réfère (sa cible), comme lorsque l’attribution se trouve au bas du recto, et sa cible au haut du verso. Il est par ailleurs fréquent que la mise en page et/ou la réglure ait prévu d’interrompre les portées pour donner de l’espace aux attributions (ou l’inverse selon les manuscrits).
29Dans le manuscrit M, on trouve quinze débuts de série soulignés par une initiale historiée à laquelle est accolée une attribution ou une rubrique attributive. À cela, nous pouvons ajouter deux autres débuts de série similaires dont la mutilation a épargné la rubrique. Sur cet ensemble, seuls trois débuts de série voient leur attribution séparée de leur cible. Or, l’un d’eux suggère que cela n’était pas apprécié puisque non seulement l’attribution à Jean de Louvois apparaît au bas de la deuxième colonne du recto (fol. 51r), mais elle est répétée au haut du verso, en haut de l’initiale historiée (fol. 51v).
30Le manuscrit T donne, entre les folios 125v et 152v, des précisions que l’on ne rencontre nulle part ailleurs. En effet, les attributions sont formulées de telle sorte qu’elles s’appliquent à plus d’une cible. Au bas du folio 125v, on trouve l’attribution « Me sire Raous et lautre apres » ; elle s’applique autant à la chanson qui apparaît sur le folio 125v qu’à celle qui commence au folio 126r. L’attribution au folio 136r est encore plus intéressante en raison de son placement sur la page rendue possible par l’absence de strophe. Elle indique « Me sire andruis contredis le fist et lautre » à la fin des portées de la première pièce mais placée, puisque cette disposition est très rare, de façon à mettre la rubrique en lien avec la pièce suivante. On trouve des attributions similaires : « Me sire gautiers dargies et lautre deseure » (fol. 143r), « Me sire gautiers et lautre devant et apres » (fol. 144v), « Me sire gautiers et lautre devant » (fol. 146r) et « Kievre de rains et lautre apres » (fol. 152v). Chaque fois, ce type d’attribution s’applique à plusieurs pièces, réduisant en pratique les répétitions d’attribution, tout en créant un autre type de redondance. Leur cause n’apparaît pas clairement puisqu’elles ne corrigent pas d’attributions qui seraient visuellement séparées de leur cible. Toutefois, elles soulignent sans conteste et, encore une fois, un souci apporté aux attributions, incluant vraisemblablement une volonté de les rendre clairement visibles au profit de lecteurs qui les chercheraient activement.
31Cet intérêt pour l’attribution s’exprime aussi à travers un certain nombre de désaccords et de corrections87. Dans le manuscrit M par exemple, au folio 177v au cœur de la série consacrée à Guiot de Dijon, l’indication en marge et la rubrique sont contradictoires. Pour la chanson « Desore mais est raisons », au bas de la première colonne, on distingue l’indication en noir « Jehans de Nuevile », mais au haut de la deuxième colonne, le rubricateur donne clairement « Guios de digon ». Un autre désaccord est visible au folio 97ra où une annotation donne le nom d’Hues de la Ferté, alors que la rubrique donne le Chastelain de Couci. Dans le manuscrit T, aux folios 94v et 95r, on trouve deux chansons attribuées à Jean de Trie. Or, une main contemporaine a rayé la première attribution rubriquée à Jean et l’a remplacée par une attribution, en noir, à Gace Brulé.
32Elizabeth Aubrey souligne par ailleurs qu’il se trouve plusieurs contradictions entre la table du manuscrit a et les attributions des chansons dans les séries correspondantes88, ce qui est également le cas de la table du manuscrit M89. Ces contradictions ne devraient pas nous émouvoir. Au contraire, elles sont le signe qu’on se pose positivement la question « à qui attribuer cette pièce ? » (correspondant à la fonction-auteur de Foucault) et qu’elle est assez importante pour que s’expriment des désaccords. Si la question était anodine, on ne tenterait tout simplement pas d’y répondre. Enfin, il faut aussi observer que les manuscrits examinés ont également été lus avec un même intérêt puisque, par exemple au folio 97va du manuscrit M, une main qui semble contemporaine a ajouté une attribution manquante à Hues de la Ferté, indiquant que l’usager perçoit aussi cette information comme pertinente.
33Ainsi, outre le souci de cohésion et de hiérarchie, soulignée par la décoration et les enluminures, la répétition et la redondance du nom rubriqué du trouvère produit un impact visuel important qui rappelle en permanence le nom du trouvère en tant que créateur et fonction-auteur. Cette grande insistance sur leurs noms n’est pas un effet du hasard. Le soin et l’attention portés aux attributions, soulignés davantage encore par les corrections, montrent que ces attributions jouent un rôle important et structurant qui, de pair avec leur impact visuel, contribuent à construire la fonction-auteur du trouvère et son omniprésence dans les collections de chansons attribuées.
Transfert de la notion d’auteur à la musique
Attributions et musique dans la mise en page
34Or, en raison de la disposition du texte et de la musique, les attributions que l’on voit de façon répétée sont situées au début de chaque chanson, et donc jamais très loin des portées et de la musique. Comme on l’indiquait plus haut, ces attributions individuelles figurent essentiellement sous forme de courte rubrique dans le corps de la colonne de texte ou en marge. Dans les manuscrits M, T, a et P, les attributions sont très majoritairement dans le corps de la colonne. À cet endroit, l’attribution est placée sur la ligne qui précède la première portée de la chanson, soit dans l’espace laissé par la fin du texte précédent, soit sur une ligne indépendante. Sur cette ligne, l’attribution peut être justifiée à gauche (par exemple M, fol. 14va ; P, fol. 14va et fol. 34vb), à droite (par exemple a, fol. 26ra ; M, fol. 26va ; P fol. 5v), ou centrée (par exemple P, fol. 8ra ; T, fol. 55v).
35Lorsque l’attribution y est justifiée à gauche, elle peut se trouver seule sur sa ligne, immédiatement au-dessus de la portée ou au-dessus de la lettrine. Lorsque cette disposition se trouve en tête de colonne, l’impact visuel de la proximité entre la musique et l’attribution est plus fort, ce qui est souvent le cas dans les manuscrits français a et M90 (voir Fig. 1 et Fig. 2). Le manque d’espace peut parfois obliger l’attribution à être assise ou presque sur la première ligne de la portée (par exemple M fol. 41r et P fol. 78v), mais une telle disposition ou une grande proximité entre l’attribution et la première ligne de la portée se rencontre régulièrement même lorsqu’il y a de la place directement au-dessus, incluant des vides ne permettant pas d’ajouts ultérieurs. Dans tous ces cas, l’attribution peut se trouver en tête de colonne, occuper toute une ligne, y être centrée, ou justifiée à gauche ou à droite91 (voir Fig. 2, Fig. 3, Fig. 4 et Fig. 5) ; comme pour la disposition précédente, la proximité entre l’attribution et la musique est notable. L’attribution peut être soulignée par un lettrage plus soigné et espacé, ce qui lui donne l’allure d’un titre92 (voir Fig. 5). Elle peut aussi être complètement justifiée à droite, malgré l’espace disponible sur la ligne, ce qui présente une certaine analogie avec la disposition des noms de compositeurs de nos partitions modernes (par exemple T fol. 57r, 91r-92r et 99r).
Fig. 1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 844, fol. 84r (M) ; © gallica.bnf.fr / BnF (voir l'image au format original)
Fig. 2 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 844, fol. 23r (M) ; © gallica.bnf.fr / BnF (voir l'image au format original)
Fig. 3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 847, fol. 8r (P) ; © gallica.bnf.fr / BnF (voir l'image au format original)
Fig. 4 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 12615, fol. 95rr (P) ; © gallica.bnf.fr / BnF (voir l'image au format original)
Fig. 5 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 12615, fol. 56v-57r (T) ; © gallica.bnf.fr / BnF (voir l'image au format original)
36Un autre type de forte proximité entre l’attribution et la notation musicale vient du fait d’un manque d’espace obligeant l’attribution à être placée dans la portée ou, ce qui arrive plus souvent, en bout de portée auquel cas, les portées sont parfois plus courtes93 (voir Fig. 6). Le manuscrit T préfère nettement recourir à cette disposition afin de maintenir l’attribution à l’intérieur de la réglure de la colonne de texte, plutôt que de la renvoyer en marge. Enfin, lorsqu’on a affaire à des pièces entièrement notées qui se succèdent, telles que des descorts, les attributions se trouvent entièrement environnées de musique (par exemple T fol. 82r, 83r et 84r).
Fig. 6 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 847, fol. 118r (P) ; © gallica.bnf.fr / BnF (voir l'image au format original)
37La mise en page de la chanson forme donc une unité cohésive claire constituée de l’attribution, de la musique (portées et/ou notation) et du texte, et qui possède son propre impact visuel. Selon la disposition, la cohésion visuelle de cette unité, particulièrement entre l’attribution et la musique, sera plus ou moins forte. Elle est, en particulier, beaucoup plus forte lorsque l’attribution se trouve dans le corps de la colonne de texte qu’en marge. On comprend ainsi la raison pour laquelle Vincent de Beauvais lui-même préférait cette disposition dans son Speculum maius94. Or, dans les quatre manuscrits examinés, l’attribution se trouve majoritairement dans le corps de la colonne de texte, créant une association visuelle forte entre la poésie, la musique et l’attribution.
38Ainsi, lorsque l’on considère les pages de ces collections, les dimensions textuelles et musicales apparaissent sur le plan visuel comme liées et d’importance égale. Les ateliers qui les ont réalisées ont consacré des ressources importantes pour y intégrer la musique. Leur mise en page est plus complexe puisqu’il faut prévoir d’avance non seulement la place nécessaire pour la copie des textes, mais également celle destinée aux portées, dont la longueur est déterminée par les mélodies et l’alignement avec le texte. La notation musicale elle-même demande d’avoir accès à des copistes qui ont cette compétence. L’ensemble demande une collaboration fine pour que le texte, l’espace, les portées et la musique forment un ensemble cohérent. D’ailleurs, la mise en page des chansons est particulièrement propre aux manuscrits musico-poétiques. Sylvia Huot observe que dans les manuscrits littéraires transmettant des œuvres narratives versifiées, la mise en page souligne le vers comme unité significative. Dans la chanson, les strophes se présentent comparativement sous la forme de blocs en prose, ce qui met plutôt en lumière l’unité musicale qui est répétée de strophe en strophe, et ce, même si le texte est versifié. La mise en forme elle-même du texte met donc en avant la structure musicale et, comme Huot le dit, « the musical quality of the song ». Ainsi, la page elle-même reflète « the unit of performance [which] is the sung stanza »95.
Corrections et ajouts musicaux
39Des corrections et des ajouts à la musique témoignent de cette importance du contenu musical. Par exemple, dans le manuscrit français M, plusieurs portées ont été laissées vides par la première phase de réalisation du manuscrit. Cependant, selon John Haines, elles ont été complétées par des notateurs identifiés avec la troisième phase, en particulier avec le notateur B96. Or, la première phase est datée de la fin du xiiie siècle, alors que la troisième s’étend de la fin du xiiie au xve siècle. C’est donc que le contenu musical était encore perçu comme pertinent après la première réalisation du manuscrit. On pourrait également avancer que les ajouts musicaux encore plus tardifs montrent que ces manuscrits étaient véritablement perçus comme des documents principalement musicaux.
40Les quelques corrections apportées pendant ou bien après la réalisation des manuscrits sont également très éloquentes. Au folio 15vb du manuscrit français a, au haut de la colonne, le dernier mot de la chanson n’a pas de portée ni de musique. Or, cela a été corrigé avec le plus grand soin : le mot « merchi » en haut de colonne a été exponctué. Tout en bas de la même colonne, on a tiré une portée aussi courte que le mot, noté la mélodie et le mot « merchi » dessous, le tout finalisé par une baguette décorative afin que l’intégrité de la page soit le moins dérangée possible. On observe un exemple similaire au folio 91vb du manuscrit français M. On y trouve un descort de Gautier de Dargies intitulé Iai maintes foiz chanté qui débute au folio 91rb. Sur le folio 91v, dans la deuxième colonne, immédiatement avant les trois dernières portées, on voit le symbole « II » qui indique qu’il faut y insérer un passage qui a peut-être été oublié et qui a été noté tout en-dessous de la colonne, précédé du même symbole97. Puisque cet ajout semble moins soigné, il peut avoir été fait à la hâte ou par une autre main postérieure98. Toujours dans le manuscrit M, au folio 95r, une portée est manquante en haut de la deuxième colonne qui, selon l’espace laissé vacant, avait été prévue. Les portées précédentes ayant été laissées vides par la première phase, la troisième les a non seulement remplies, mais a ajouté la portée manquante, les mots et la musique. Dans le libellus consacré à Adam de la Halle, inclus dans le manuscrit français P, tout en en étant indépendant, au folio 227vb, on voit un ajout comparable : il semble que le dernier mot de la strophe ait été oublié avec sa portée et sa musique et qu’ils aient été ajoutés par une main plus tardive.
Impact visuel
41Ainsi, sur la page, par la répétition et la proximité de l’attribution, la chanson devient une unité cohésive visuelle formée de l’attribution, de la musique et du texte, dans laquelle la musique et le texte ont une importance visuelle égale, unité qui renvoie à un nom de trouvère correspondant au critère unifiant de la collection dans laquelle la chanson s’inscrit. La musique notée, omniprésente, fait partie intégrale de l’impact visuel de cette unité. Indépendamment des modalités de la création des mélodies, l’œil inclut intégralement la musique dans l’association entre la poésie et l’attribution ; on ne peut donc séparer l’impact visuel des attributions répétées, qui renvoient à plusieurs autres instances du trouvère-auteur, de l’impact visuel de la notation musicale elle-même.
42D’ailleurs, l’omniprésence de musique notée sur la page a un impact sur l’« objet-livre »99 que sont ces collections de chansons attribuées. Elles ne sont plus seulement des objets transmettant une littérature ou une poésie, elles transmettent simultanément une dimension sonore et musicale réelle, et ce, même quand les portées sont vides. Si cette conclusion d’Ibos-Augé s’applique à des insertions musicales dans des œuvres narratives, elles ne peuvent que s’appliquer aussi aux manuscrits de trouvères qui sont si clairement musicaux.
43En outre, la présence de musique notée dans ces collections interpelle le lecteur à plus d’un titre. À un niveau fondamental, elle interpelle la mémoire d’une performance à laquelle il peut avoir assisté (c’est-à-dire sans intention de reconstruction en performance). Huot affirme en effet que les représentations de trouvères et de ménestrels en position de musiciens ou de récitants dans certains manuscrits rendent présentes à l’esprit des lecteurs leurs performances orales et musicales100. Pour elle, ces collections consistent en la trace visuelle de la performance orale et musicale, que ces chansons sont fondamentalement et dont le public fait l’expérience. En accord avec cette interprétation, nous pouvons considérer également que l’association de l’impact visuel de la musique notée avec les attributions répétées crée sensiblement le même effet.
44La notation musicale devient aussi une image qui s’adresse à l’oreille, par l’entremise de l’œil ; elle invite le lecteur à un travail de décodage qui implique non seulement la mémoire et l’œil, mais aussi l’intelligence101. Si le lecteur sait lire la musique, le résultat s’adresse à l’oreille intérieure et prend la forme d’une musique intérieure reflétant la musique notée. Cependant, si ce n’est pas le cas, la présence de musique notée peut encore s’adresser, sinon à la mémoire d’une expérience, du moins à l’imagination. En effet, l’interpellation de l’oreille intérieure peut se faire sur le plan abstrait, c’est-à-dire que l’imagination musicale est mise en mouvement sans qu’il y ait une véritable production de mélodie ou d’intonation.
45Ainsi, l’image de la musique notée anime la mémoire d’expériences musicales réelles, entraîne un travail de décodage musical ou met en mouvement l’imagination, même abstraite, de l’oreille. Même lorsque le répertoire n’est pas connu ou que le lecteur ne sait pas lire la musique, la présence de la notation musicale crée et ajoute une dimension sonore à la lecture. Dans tous ces cas, les pages de ces collections de chansons attribuées deviennent sonores et musicales, et les attributions qui y sont omniprésentes, renvoyant à l’auteur-trouvère construit par les collections, en font intégralement partie. Ainsi, indépendamment des modalités d’élaboration musicale en amont de la réalisation des manuscrits, ces collections opèrent un transfert de l’effet de trouvère-auteur qui y est déployée vers la dimension musicale qui y est créée.
Attribution, musique et texte
46Les spécialistes des traditions des troubadours et des trouvères ont du mal à envisager cette lecture102, alors que Zumthor et Zink ont souligné que la poésie et la musique de ces chansons étaient créées d’un seul geste103. Zink avance que la difficulté de joindre l’analyse textuelle à l’analyse musicale est due, entre autres, au fait que nous ne savons toujours pas « par quel bout prendre la question »104 et Rillon-Marne semble proposer que la distinction dans une pièce de ce qui relève du poète et du compositeur est trop complexe. Pourtant, si l’on comprend bien les propos de Zumthor et de Zink, vouloir faire cette distinction va à l’encontre de la nature même de la chanson, nature que nous avons tant de difficultés à concevoir. D’ailleurs, il semble que cette volonté de séparer le texte de la musique ne naît pas d’une démonstration positive, mais plutôt d’un principe de précaution. Il n’y a en réalité pas plus de risque à envisager l’association de la musique et du texte qu’à séparer systématiquement ces deux entités interreliées de la chanson.
47Une grande partie de cette discussion repose sur l’analyse de la tradition des troubadours qui est, en effet, représentée par une tradition manuscrite dans laquelle la musique notée occupe une très petite part. Pourtant, Carapezza et Privitera105 montrent la validité de l’approche qui consiste à comprendre l’attribution comme s’appliquant à un seul objet constitué simultanément du texte et de la musique, en mettant en lumière l’expression par les troubadours de ce que l’on pourrait nommer leur agentivité musicale créatrice106. J’ajoute que cette agentivité musicale créatrice est exprimée en soi, directement, et indépendamment du fait que le processus de création utilise sans doute un fond commun impliquant l’emprunt et la réinterprétation mélodiques107. Il s’agit toutefois ici des manuscrits de trouvères, dans lesquels la musique notée occupe une place prépondérante. Tandis que Zink soutient que les mélodies de troubadours auraient été mieux conservées si elles y avaient joué un rôle plus important108, l’argument inverse s’applique alors à la tradition des trouvères. Cette approche unifiante est donc au moins aussi valable pour la tradition des trouvères que pour celle des troubadours.
48D’ailleurs, Saint-Cricq, en analysant la musique et les textes de Robert de Reims109, a montré que pour quatre de ses chansons, la mélodie a été extraite de pièces polyphoniques préexistantes et que le texte a été complété par des strophes additionnelles par un auteur différent de celui des premières strophes. Cet exemple montre que la création textuelle n’est pas systématiquement plus stable que la création musicale. Pourtant, cela n’a pas empêché l’intégration de ces attributions dans les manuscrits correspondants110, ce qui montre, au moment de la réception et du traitement, que même au niveau textuel la fonction-auteur présente dans ces manuscrits existe à travers la pratique de l’attribution indépendamment du processus créateur. En substance, cela n’est pas différent de la musique. Il n’y a donc pas un si grand risque à mettre l’attribution sur le même pied musico-textuel.
Témoignages extérieurs
49Deux textes extérieurs aux manuscrits de trouvères et chansonniers témoignent qu’il était possible, à leur époque, d’attribuer la musique et le texte au même nom de trouvère et traiter la chanson comme une seule unité cohésive. En effet, les Grandes Chroniques de France rapportent :
Si fist entre lui [Thibaut de Champaigne] et Gace Brulé les plus belles chançons et les plus delitables et melodieuses qui onques feussent oïes en chançon ne en viele. Et les fist escrire en sa sale à Prouins, et en cele de Troies, et sont apelées les chançons au roy de Nauarre, quar le reamme de Navarre li eschai de par son frere qui morut sanz hoir de son cors111.
50Cet ouvrage s’est constitué en plusieurs étapes, mais ce passage fait bien partie de la version qui aurait été présentée à Philippe iii le Hardi par Primat de Saint-Denis, en 1274112. Il est souvent utilisé pour mettre de l’avant la réputation de ces deux trouvères. Ce passage est toutefois plus significatif que cela : il présente deux attributions très claires à Thibaut de Champagne et Gace Brulé, qui se rapportent non seulement à leurs poésies, mais également à leurs mélodies. La formulation ajoute d’ailleurs que leurs chansons peuvent être interprétées de deux façons – « en chanson » ou « en vièle » –, c’est-à-dire vocalement (dit ou chanté) ou à la vièle, levant ainsi l’ambiguïté que pourrait encore avoir le mot « mélodieuses ».
51L’autre témoin d’une attribution s’appliquant autant à la musique qu’au texte d’une chanson se trouve dans le traité de poésie De vulgari eloquentia113. Le traité, outre ses nombreuses préoccupations, prend la défense des langues vernaculaires en présentant les règles de l’art des poètes occitans, français et italiens, c’est-à-dire principalement des troubadours et des trouvères qu’il approche comme un seul art. Dante l’a composé pendant les premières années de son exil, probablement en 1304-1305114. Bien qu’en général l’intérêt véritable de Dante pour la musique115 soit sujet à débat, sa définition de la chanson et le développement qui suit utilisent une attribution à Arnaut Daniel impliquant significativement la musique.
52Après quelques descriptions, Dante offre sa définition finale de la « chanson » en tant que genre :
Tota igitur scilicet ars cantionis circa tria videtur consistere : primo circa cantus divisionem, secundo circa partium habitudinem, tertio circa numerum carminum et sillabarum.
(Tout l’art de la chanson paraît reposer sur trois choses : premièrement, sur la division de la mélodie ; deuxièmement, sur la disposition des parties ; troisièmement, sur le nombre de vers et des syllabes.)116
53Cette définition est ensuite développée à travers la définition de chacun de ces trois volets. L’attribution à Arnaut Daniel se situe dans la discussion du premier volet, c’est-à-dire de la division de la mélodie, traitant par conséquent de la structure mélodique de la chanson :
Dicimus ergo quod omnis stantia ad quandam odam recipiendam armonizata est. Sed in modis diversificari videntur. Quia quedam sunt sub una oda continua usque ad ultimum progressive, hoc est sine iteratione modulationis cuiusquam et sine diesi […] : et huiusmodi stantia usus est fere in omnibus cantionibus suis Arnaldus Danielis, et nos eum secuti sumus cum diximus […].
(Nous disons donc que toute stance est harmonisée afin de recevoir une certaine mélodie. Mais elles semblent, ces stances, se diversifier dans leurs modes, parce que certaines se déroulent sous une mélodie unique et continue jusqu’à la fin, c’est-à-dire sans répétition d’un air quelconque et sans dièse […]. C’est ce genre de stance qu’utilise Arnaut Daniel dans presque toutes ses chansons, et nous l’avons suivi en disant : […])117
54En effet, Dante caractérise ensuite118 les différents types de structure strophiques selon l’occurrence de répétition de matériel musical (phrase ou motif mélodique), et selon son placement avant ou après la diesis119. D’ailleurs, le mot « modulatio » fait intégralement partie de la définition de la musique d’Isidore de Séville120, que reprennent Vincent de Beauvais et Jérôme de Moravie121. C’est dire que la structure strophique d’une chanson est déterminée par un phénomène musical précis, désigné ici par « iteratione modulationis ». C’est dans le cadre précis de cette description que l’attribution à Arnaut Daniel prend tout son relief, puisque Dante réfère au nom d’Arnaut Daniel pour désigner une structure strophique déterminée par une répétition musicale spécifique ; son attribution concerne autant la musique que le texte. Ici aussi, donc, on constate que l’autoriat est transféré à la dimension musicale. Dante commente ailleurs122 que la chanson, par son caractère le plus noble, correspond au genre qui attire le plus de gloire à ses créateurs ; ce qui évoque le fait que les sections de chansons dans les manuscrits sont principalement celles qui reçoivent des attributions.
Conclusion
55Ces collections de chansons de trouvères avec attributions nous montrent que la mise en page, leur aspect visuel et leur nature font de chaque chanson une unité cohésive réunissant l’attribution, la musique et le texte, dans laquelle la musique et le texte sont présentés sur le même pied. Dans cette unité, l’attribution correspond à la fonction-auteur, c’est-à-dire à un nom de trouvère auquel est renvoyée la chanson. La fonction d’auteur de ce nom est renforcée par sa répétition et par son anthologisation, c’est-à-dire que le nom du trouvère en tant que fonction-auteur est continuellement répété dans le cadre même de l’anthologie attribuée à ce même nom, concrétisant la dynamique entre la fonction-auteur et la définition de son œuvre soulignée par Foucault. Le témoignage de Vincent de Beauvais nous indique d’ailleurs que le placement des attributions pouvait faire l’objet d’une décision délibérée. Par la mise en page, son aspect visuel et la nature de la chanson, cette fonction-auteur telle que manifestée par l’attribution répétée se transfère à la musique pour donner naissance à une fonction-auteur musico-textuelle. Cette fonction recouvre les emprunts, les extensions et les réinterprétations mélodiques et textuels. Dans un contexte où l’emprunt et la réinterprétation sont en musique comme en poésie des techniques de création valides, la fonction-auteur est octroyée à qui les utilise123 au sein d’un processus créatif. On ne peut avancer que cette fonction-auteur transférée à la musique était présente au moment de la création musicale dont on saisit finalement peu toutes les modalités, mais elle apparaît largement dans les collections manuscrites de trouvères avec attributions, au moment de la réception et du traitement de ce répertoire dans une mentalité spécifique de conservation écrite124.
56Les manuscrits examinés sont datés de la deuxième moitié du xiiie siècle et originaires du nord de la France, en particulier la Picardie (incluant évidemment l’Artois) et la Champagne125. En comparaison, le chansonnier français U (Paris, BnF, Fr. 20050) dans lequel il n’y pas d’attribution et qui ne semble pas révéler de principe d’ordre126 est daté, par Everist, de c. 1225 et, par Lug, de 1231, et originaire de Lorraine ou, plus précisément, de la région de Metz127. Le chansonnier O (Paris, BnF, Fr. 846) présente un ordre alphabétique par chanson, mais sans attribution. Il est daté de 1280-1290 et originaire de Bourgogne128. Le chansonnier C est également organisé par ordre alphabétique de chanson comme O, et il est daté du dernier quart du xiiie siècle, mais comme U, il est d’origine messine129. Les manuscrits de trouvères Q (Paris, BnF, Fr. 1109) et Z (Siena, Biblioteca Comunale degli Intronati, H.X.36) datent du début du xive siècle : le manuscrit Q est originaire d’Artois ou de Picardie, mais date d’après 1310. Comme le signale Callahan, la toute fin du xiiie siècle et le début du xive siècle coïncident avec un déclin de l’auteur-trouvère comme principe d’organisation des collections130. Ainsi, sauf exceptions131, les collections de chansons de trouvères qui n’ont pas d’attribution et qui présentent d’autres principes d’organisation se trouvent généralement aux périphéries de la deuxième moitié du xiiie siècle, et de la zone géographique Champagne-Artois-Picardie.
57Il est donc possible d’avancer que le transfert de la fonction-auteur à la musique et la fonction-auteur musico-textuelle qui en résulte se développent approximativement au cours de cette période et dans cette zone géographique, dans le contexte précis de la réception et du traitement de ce répertoire et de sa conservation écrite. Il semble que la communauté d’Arras ait pu jouer un rôle notable dans ce transfert132. Il est également possible que ce transfert ne concerne qu’un nombre limité d’ateliers et de personnes. On ne sait malheureusement pas précisément qui étaient les commanditaires ou les destinataires de ces manuscrits133. Même s’il est clair que ces manuscrits sont parfois des produits de luxe visant une classe privilégiée, cette question ne peut contribuer à circonscrire le milieu dans lequel cette idée circulait.
58On sait toutefois qu’elle est présente dans le nord de la France puisque la pratique de l’attribution dans les collections de chansons se trouve dans d’autres manuscrits de trouvères134, ce qui n’exclut pas qu’en se déplaçant cette idée ait varié. Les manuscrits notés de troubadours R (Paris, BnF, Fr. 22543)135 et G (Milano, Biblioteca Ambrosiana, R 71 sup.)136 portent également des attributions, ce qui suggère que cette même idée ait aussi voyagé entre le nord et le sud de la France. Alors qu’Aubrey avançait encore une influence et une circulation allant du sud vers le nord137, Asperti, Hatzikiriakos et Rachetta138 proposent pour certains cas une influence et une circulation allant du nord vers le sud, surtout pour ce qui est du xiiie siècle.
59L’idée de fonction-auteur musico-textuelle et son transfert à la musique marque sans doute les débuts de la formation et de l’émergence de l’idée de créateur de musique. Cette émergence est un phénomène assez limité dans le temps et dans l’espace, avec une circulation entre le nord et le sud de la France, et probablement d’autres zones que l’on n’a pas ici considérées. Cette idée de fonction-auteur sous la forme de l’attribution dans les manuscrits musicaux représente néanmoins un moment significatif de l’histoire de la lente élaboration de la notion de compositeur. À ce premier stade, il représente essentiellement la mise en place d’une idée et de l’habitude d’attribuer une création poético-musicale à un nom, qui recouvre sans pour autant exclure les techniques de création relevant de l’emprunt et de la réinterprétation. Outre certaines exceptions comme Jean de l’Escurel, Guillaume de Machaut, et certains répertoires du trecento italien139, cet intérêt resurgira au début du xve siècle autant pour la musique profane, avec le codex Squarcialupi140, que pour la musique liturgique avec le Old Hall Manuscript.
Annexes
Tableau : Liste des manuscrits notés de trouvères et de troubadours, avec indication d’attributions
60Détails des discontinuités dans les collections de trouvères
A et X : aucune collection n’est fractionnée
a
Trouvères fractionnés : 1/42 (2,4 %)
Richard de Fournival (fol. 39r-43v, 68v, 99v)
M
Trouvères fractionnés : 4/70 (5,7 %)
Guillaume le Vinier (fol. 1r-2r, 105r-116r), Jean Érars (fol. 99r-v, 100v, 101r-102v, 165r-v), Guiot de Dijon (fol. 173v, 174r-v, 176r-178v) et de Jean de Neuville (fol. 100r-v, 181v-183v).
T
Trouvères fractionnés : 8/74 (10,8 %)
Colart le Boutellier (fol. 23r-25v, 93r), Guillaume le Vinier (fol. 25v-34r, 48v-49v), Gillebert de Berneville (fol. 34r-36v, 77r, 84v), Simon d’Authie (fol. 36v-39v, 168v), Ernoul Caupain (fol. 44r-45v, 78r), Adam de Givenchi (fol. 80v-83r, 169r-172v), Gilles le Vinier (fol. 83r, 101v-103r), et Jean Erars (fol. 84r, 129r-132v).
P
Trouvères fractionnés : 6/51 (11,8 %)
Gautier de Dargies (fol. 52ra-57rb, 65ra-va), Jean Érars (fol. 83ra-vb, 95ra-96va), Perrin d’Angicourt (fol. 83vb-84va, 121vb-123ra), Richart de Semilli (fol. 96va-100va, 101rb-102rb), Moniot de Paris (fol. 100va-vb, 102rb-103ra) et Beaudouin des Auteus (fol. 108rb-109ra, 111va-112rb).
K
Trouvères fractionnés : 10/66 (15,2 %)
Jean Érars (p. 204b-207b, 265b-266a, 278a-279a, 279b-280b), Robert du Chastel (p. 262b-263b, 275b-276a, 282a-283a), Blondel de Nesle (p. 109b-121b, 298b-299b), Gillebert de Berneville (p. 143b-154a, 297a-b), Perrin d’Angicourt (p. 154a-179bis, 299b-301a), Colart le Boutellier (p. 243a-244b, 266a-267a), Aubin de Sézanne (p. 255a-b, 279a-b), Lambert Ferri (p. 263b-164b, 276a-277b), Carasaus (p. 277b-278a, 286b-287b) et Mahieu de Gant (p. 280b-282a, 285a-286a).
N
Trouvères fractionnés : 10/64 (15,9 %)
Jean Érars (fol. 98va-100vb, 101rb-vb, 130va-131ra, 137va-b, 138va-139ra), Hugues de Berzé (fol. 47rb-vb, 126vb-127rb), Raoul de Beauvais (fol. 100vb-101rb, 101vb-102ra), Gontier de Soignies (fol. 106vb-107vb, 137vb-138va), Jean l’Orgueneur (fol. 108rb-vb, 121ra-va), Colart le Boutellier (fol. 118va-119va, 131ra-va), Robert du Chastel (fol. 128vb-129va, 136ra-va), Lambert Ferri (fol. 129va-130ra, 136va-137ra), Carasaus (fol. 137ra-va, 143va-vb), et Mahieu de Gant (fol. 139ra-va, 142va-143ra).
R
Trouvères fractionnés :
1ère compilation – 3/13 (23 %)
Andrieu Contredit (fol. 4v-6r, 8r-9r), Moniot (fol. 15r-16r, 27r-30v) et le Chastelain de Couci (fol. 31v-32v, 33r-36r).
2ème compilation – 1/16 (6,3 %)
Thibaut de Champagne (fol. 37v-40r, 43r-46r).
Documents annexes
- Fig. 1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 844, fol. 84r (M) ; © gallica.bnf.fr / BnF
- Fig. 2 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 844, fol. 23r (M) ; © gallica.bnf.fr / BnF
- Fig. 3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 847, fol. 8r (P) ; © gallica.bnf.fr / BnF
- Fig. 4 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 12615, fol. 95rr (P) ; © gallica.bnf.fr / BnF
- Fig. 5 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 12615, fol. 56v-57r (T) ; © gallica.bnf.fr / BnF
- Fig. 6 : Paris, Bibliothèque nationale de France, Fr. 847, fol. 118r (P) ; © gallica.bnf.fr / BnF
Notes
1 Madeleine Jeay utilise l’expression doxa pour désigner cette idée : Madeleine Jeay, Poétique de la nomination dans la lyrique médiévale, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 7. Je tiens à remercier ma collègue Marie-Pierre Bussières pour sa lecture et nos discussions, ainsi que Julien Stout pour nos discussions et pour m’avoir transmis sa thèse de doctorat et quelques autres ouvrages.
2 Simon Gaunt, Troubadours and irony, Cambridge, Cambridge University Press, 1989 ; Sarah Kay, Subjectivity in troubadour poetry, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; Olivia Holmes, Assembling the Lyric Self. Authorship from Troubadour Song to Italian Poetry Book, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2000 ; Michel Zimmermann, éd., Auctor & auctoritas. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale, Paris, École des Chartes, 2001 ; Nicole Jacques-Lefèvre, Une histoire de la « fonction auteur » est-elle possible ?, Saint-Étienne, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 2001 ; Yasmina Foehr-Janssens, « Le clerc, le jongleur et le magicien : figures et fonctions d’auteurs aux xiie et xiiie siècles », « Toutes choses sont faictes cleres par escripture ». Fonctions et figures d’auteurs du Moyen Âge à l’époque contemporaine, éd. Virginie Minet-Mahy, Claude Thiry et Tania Van Hemelryck, Louvain-la-Neuve, Les Lettres romanes, 2005, p. 13-31 ; Danielle Buschinger, éd., L’« effet auteur » au Moyen Âge, Amiens, Université de Picardie Jules Verne, 2003 ; Matilda Tomaryn Bruckner, éd., « Acts of nomination: naming names and troubadour poetry », Tenso, 22/1-2, 2007, p. 1-8 ; Slavica Ranković et al., éd. Modes of Authorship in the Middle Ages, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 2012 ; Edorardo D’Angelo et Jan Ziolkowski, Auctor et auctoritas in Latinis medii aevi litteris. Author and Authorship in Medieval Latin Literature, Firenze, Sismel, 2014 ; Jeay, Poétique de la nomination ; Luca Gatti, Repertorio delle attribuzioni discordanti nella lirica trovierica, Roma, Sapienza Università Editrice, 2019. La question continue d’alimenter de nouvelles publications : voir par exemple Catherine Pascal, Marie-Ève Thérenthy et Trung Tran, Image, autorité et auctorialité du Moyen Âge au xxe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2021.
3 Monique Bourin, « L’écriture du nom propre et l’apparition d’une anthroponymie à plusieurs éléments en Europe occidentale (xie-xiie siècles) », L’écriture du nom propre, éd. Anne-Marie Christin, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 193-213 ; Patrice Beck, Monique Bourin et Pascal Charelle, « Nommer au Moyen Âge : du surnom au patronyme », Le patronyme. Histoire, anthropologie, société, éd. Guy Brunet, Pierre Darlu et Gianna Zei, Paris, CNRS Éditions, 2001, p. 13-38 ; Béatrice Fraenkel, La signature. Genèse d’un signe, Paris, Gallimard, 1992 ; Claude Jeay, Signature et pouvoir au Moyen Âge, Paris, École des chartes, 2015 ; voir encore Adeline Latinier-Ionoff, Lire le nom propre dans le roman médiéval, Paris, Classiques Garnier, 2019.
4 Brigitte Mariam Bedos-Rezak et Dominique Iogna-Prat, L’individu au Moyen Âge, Paris, Aubier, 2005 ; Alain Boureau, De vagues individus : la condition humaine dans la pensée scolastique, Paris, Belles Lettres, 2008 ; Dominique Barthélémy et Rolf Grosse, éd., Moines et démons. Autobiographie et individualité au Moyen Âge (viie-xiie siècle), Genève, Droz, 2014.
5 Voir par exemple Rob C. Wegman, « From Maker to Composer: Improvisation and Musical Authorship in the Low Countries, 1450-1500 », Journal of the American Musicological Society, 49/3, 1996, p. 409-479.
6 Ces trois instances ou axes seront développés davantage dans Pascale Duhamel, « Construire l’autoriat musical : pour une approche raisonnée (xiiie-xvie siècles) », Noms de compositeurs. Émergence de l’autoriat musical (xiiie-xvie siècles), Pascale Duhamel et coll. Kristin Hoefener, publication prévue en 2023.
7 Ce programme de recherche s’est développé à partir de 2016 dans le cadre de mes activités d’enseignement et de recherche : Pascale Duhamel, « Créateurs, écrivains, compositeurs : autoriat entre le Moyen Âge et la Renaissance », conférence donnée dans le cours FRA1746 Littérature française des origines au xviiie siècle, invitée par Mawy Bouchard, Faculté des arts, Université d’Ottawa, les 29 septembre et 4 octobre 2016 ; « Composers’ authorship: names and claims in the 13th and 14th centuries », projet de recherche déposé dans le cadre d’une application au programme Visiting Research Fellowship, Trinity University, octobre 2016 ; « Composer Names: Authorship Before Music Printing (12th-15th centuries) », projet de recherche déposé dans le cadre d’une application aux programmes de subventions Fulbright Canada, novembre 2018 ; « Le nom du compositeur au Moyen Âge : un itinéraire », conférence parrainée par la Société québécoise de Recherche en musique, École de musique, Cégep de Sherbrooke, 12 avril 2019 ; « Composer Names: Authorship Before Music Printing (12th-15th centuries) », projet mis en œuvre dans le cadre de la Fulbright Canada Visiting Research Chair at University Vanderbilt, 2019-2020 ; « Composers’ Names – Case Studies in Composership before Music Printing », Département d’Histoire de l’art, Université Vanderbilt, 22 janvier 2020 ; séminaire MUS4701 : Compositeurs au Moyen Âge et à la Renaissance, septembre-décembre 2020, École de musique, Université d’Ottawa ; « Composership before Music Printing (12th-15th centuries): A Research in Progress », Poster Session, European Early Music Summit, 21 novembre 2020.
8 Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? » [1969], Dits et écrits, Paris, Gallimard, 1994, vol. 1, texte numéro 69, p. 789-821.
9 Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », p. 800.
10 Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? ».
11 Buschinger, L’« effet auteur » au Moyen Âge.
12 Foehr-Janssens, « Le clerc, le jongleur et le magicien », p. 13-17 ; Jeay, Poétique de la nomination, p. 12.
13 Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », p. 794-795. Voir aussi pour des répertoires plus proches Sylvia Huot, From Song to Book, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1987 et Michel-André Bossy, « Cyclical Composition in Guiraut Riquier’s Book of Poems », Speculum, 66/2, 1991, p. 277-293.
14 Des travaux ont considéré le phénomène des attributions et plus généralement des paratextes. Voir Bart Besamusca et al., « Author attribution in medieval text collections: an exploration », Amsterdamer Beiträge zur älteren Germanistik, 76, 2016, p. 89-122 ; Gatti, Repertorio delle attribuzioni discordanti ; Carlo Pulsoni, Repertorio delle attribuzioni discordanti nella lirica trobadorica, Modena, Mucchi, 2001. Gérard Genette a offert un cadre théorique pour la compréhension des paratextes, en particulier dans Seuils, Paris, Seuil, 1987 et Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982 ; au sujet de l’application de ses travaux aux études médiévales, voir Isabelle Arseneau, Véronique Dominguez-Guillaume, Sébastien Douchet et Patrick Moran, dir., Perspectives médiévales. Les études médiévales face à Gérard Genette, 42, 2021, en particulier Julien Stout, « Aux seuils du paratexte médiéval : les auteurs français et leur nom dans les inventaires aristocratiques de la fin du Moyen Âge » [URL : https://doi.org/10.4000/peme.37905, consulté le 15 janvier 2023], spécialement paragraphes 1-2.
15 Voir Fabio Zinelli, « D’une collection de tables de chansonniers romans (avec quelques remarques sur le chansonnier Estense) », Romania, 122/485-486, 2004, p. 46-110, ici p. 47.
16 Roland Barthes, « La mort de l’auteur », Le bruissement de la langue, Paris, Seuil, 1984, d’abord publié dans Manteia (1968).
17 Pierre Jonin, « Le “je” de Marie de France dans les Lais », Romania, 103/410-411, 1982, p. 170-196 ; Marie-Geneviève Grossel, « Un “je” protéiforme : Guiot de Provins, tel que sa Bible le dévoile et le voile », L’« effet auteur » au Moyen Âge, p. 32-44 ; Cristian Bratu, « “Je, aucteur de ce livre”: Authorial Persona and Authority in French Medieval Histories and Chronicles », Authorities in the Middle Ages: Influence, Legitimacy, and Power in Medieval Society, éd. Sini Kangas, Mia Korpiola et Tuija Ainonen, Berlin, De Gruyter, 2013, p. 183-204. Voir aussi Michel Zink, « De la poésie lyrique à la poésie personnelle : l’idéal de l’amour et l’anecdote du moi », La subjectivité littéraire, Paris, Presses Universitaires de France, 1985, p. 47-74 et Ardis Butterfield, « Citation and authorship from the thirteenth to the fourteenth century », Poetry and Music in Medieval France. From Jean Renart to Guillaume de Machaut, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 243-270.
18 Zink, La subjectivité littéraire.
19 Pour une discussion de la confusion entre la fonction-auteur et la fonction-sujet, voir Julien Stout, « L’auteur au temps du recueil. Repenser l’autorité et la singularité poétiques dans les premiers manuscrits à collections auctoriales de langue d’oïl (1100-1340) », thèse de doctorat, Université de Montréal, 2021, p. 6-25.
20 Buschinger, L’« effet auteur » au Moyen Âge.
21 Zink, La subjectivité littéraire, p. 35 : « D’une part, en faisant valoir le respect qu’il a de son modèle et son souci de la vérité, il attire l’attention, on l’a vu, sur l’œuvre en train de se faire plus que sur l’œuvre faite, c’est-à-dire sur son propre travail, et donc sur lui-même. »
22 François Jérôme Beaussart, « L’auteur et son projet dans la littérature mariale narrative aux xiie et xiiie siècles », L’« effet auteur » au Moyen Âge, p. 7-11 ; Grossel, « Un “je” protéiforme », p. 38-44 ; Robert Luff, « Du compilateur anonyme à l’auteur autonome : figures de l’écrivain encyclopédique au Moyen Âge européen », L’« effet auteur » au Moyen Âge, p. 55-67. Voir aussi Monique Paulmier-Foucart, « L’Actor et les Auctores : Vincent de Beauvais », Auctor et auctoritas, p. 145-160.
23 Anne Berthelot, « Fantômes de parchemin : la constellation des auteurs dans les romans arthuriens en prose », L’« effet auteur » au Moyen Âge, p. 12 et 17 ; Robert Luff, « Du compilateur anonyme à l’auteur autonome », p. 64. Voir aussi Paulmier-Foucart, « L’Actor et les Auctores : Vincent de Beauvais », p. 145-160.
24 Beaussart, « L’auteur et son projet dans la littérature mariale », p. 7-9 ; Grossel, « Un “je” protéiforme », p. 40-43 ; Robert Luff, « Du compilateur anonyme à l’auteur autonome », p. 55 ; Anna Kukulka-Wojtasik, « Chrétien de Troyes, créateur et poète. Les manifestations du “je” et leur valeur », L’« effet auteur » au Moyen Âge, p. 80-85 ; Paulmier-Foucart, « L’Actor et les Auctores : Vincent de Beauvais », p. 145-160.
25 Zink, La subjectivité littéraire, p. 33. Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. Léopold Constans, Paris, Firmin Didot, 6 vol., 1904-12. Larges extraits réédités et traduits : Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie : extraits du manuscrit Milan, Bibliothèque Ambrosienne D55, éd. et trad. Emmanuelle Baumgartner et Françoise Vielliard, Paris, Librairie générale française, 1998, « Lettres gothiques ».
26 Béroul, Tristan et Iseut, éd. et trad. Daniel Lacroix et Philippe Walter, Paris, Librairie générale française, 1989, « Lettres gothiques », v. 1265-1270, p. 80 : « Li conteor dïent qu’Yvain / Firent nïer, qui sont vilain : / N’en sevent mie bien l’estoire, / Berox l’a mex en sen mémoire », p. 81 : « Les conteurs disent que les deux hommes firent noyer Yvain mais ce sont des rustres ; ils ne connaissent pas bien l’histoire. Béroul l’a parfaitement gardée en mémoire. » Voir Richard N. Illingworth, « The composition of the Tristran of Beroul », Arthurian Literature, 18, 2001, p. 1-75 et Donald Maddox, « Intratextual rewriting in the Roman de Tristan of Beroul », De sens rassis: Essays in Honor of Rupert T. Pickens, éd. Keith Busby, Bernard Guidot et Logan E. Whalen, Amsterdam, Rodopi, 2005, p. 389-402.
27 Marie de France, Lais de Marie de France, éd. et trad. Alexandre Micha, Paris, Garnier-Flammarion, 1994, « Guigemar », p. 30 : « Oëz, seignurs, ke dit Marie / Ki en son tens pas ne s’oblie. » (p. 31 : « Écoutez, seigneurs, ce que raconte Marie qui ne veut pas se faire oublie de son époque »). Marie de France prend la parole régulièrement dans ses lais et crée par ce fait un effet-auteur spécifique, voir Carla Rossi, « Notes préliminaires. Posture d’auteur et choix identitaire : si sui de France », Marie de France et les érudits de Cantorbéry, Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 11-16 ; Logan E. Whalen, Marie de France and the poetics of memory, Washington, The Catholic University of America Press, 2008.
28 Carla Rossi, Marie de France et les érudits de Cantorbéry, p. 29 et suivantes ; p. 29 : « Marie qui constitue le dénominateur commun de son œuvre et souligne sa volonté de se faire traductrice ou ambassadrice de la tradition auprès de son nouveau public. (…) Marie aspire à devenir l’héroïne éponyme de la dernière action de médiation face au nouveau public. Thème chartrain par excellence, l’oubli et la remembrance sont des leimotive dans l’œuvre de Marie. Pour elle, l’acte même de l’écriture, la “mise en roman”, c’est la mise en mémoire. “Gloser la lettre en langue vulgaire”, c’est mettre le contenu, en le clarifiant, à la portée de ses auditeurs laïques qui ne connaissent pas assez le latin, c’est consigner le passé dans l’écrit afin qu’il survive (…) ».
29 Carla Rossi, Marie de France et les érudits de Cantorbéry, p. 12.
30 Claudio Galderisi, « Conscience littéraire et émergence de l’individu au Moyen Âge », Histoire de la France littéraire. Naissances, Renaissances, dir. Frank Lestringant et Michel Zink, Paris, Presses Universitaires de France, 2006, p. 667-677.
31 Cette distinction est à mettre en lien avec celle que l’on fait depuis très longtemps en musicologie entre d’une part le créateur et son intention et d’autre part la réception de son œuvre, ces deux niveaux correspondant en sémiologie musicale aux niveaux poïétique et esthétique de l’œuvre : voir Jean-Jacques Nattiez, Fondements d’une sémiologie de la musique, Paris, Union générale d’édition, 1975 et Musicologie générale et sémiologie, Paris, Christian Bourgois éditeur, 1987 ; voir aussi Chahida El Idrissi, « Niveaux d’analyse et situations d’analyse selon Molino et Nattiez », Signo [en ligne], dir. Louis Hébert, Rimouski, 2017 [URL : http://www.signosemio.com/molino-nattiez/niveaux-analyse.pdf, consulté le 14 septembre 2022].
32 Richard H. Rouse et Mary A. Rouse, « Bibliography Before Print: the Medieval De Viris Illustribus », The Role of the Book in Medieval Culture II. Proceedings of the Oxford International Symposium, éd. Peter Ganz, Turnhout, Brepols, 1986, p. 133-153.
33 Saint Jérôme de Stridon, De viris illustribus, éd. Ernest C. Richardson, Hieronymus. Liber de viris illustribus ; Gennadius. Liber de viris illustribus, Leipzig, J.C. Hinrichs, 1896. Voir aussi saint Jérôme, De viris illustribus, Brepolis Latin – Library of Latin Texts Series A, Turnhout, Brepols, 2010. L’ouvrage de saint Jérôme a été par la suite augmenté d’autres auteurs par Gennadius de Marseille, Isidore de Séville et Ildefonso de Tolède.
34 Le nombre de copies du De viris illustribus de saint Jérôme augmente continuellement entre le xiie et le xve siècle, pour atteindre un sommet au xve siècle, voir Rouse et Rouse, « Bibliography Before Print: the Medieval De Viris Illustribus », p. 134. Pour une étude du motif des hommes illustres en lien avec la musique, voir Pascale Duhamel, « Noms illustres : le codex Squarcialupi dans le contexte d’un genre humaniste », Noms de compositeurs. Émergence de l’autoriat musical (xiiie-xvie siècles), Pascale Duhamel et coll. Kristin Hoefener, publication prévue en 2023, dont la première version a été présentée dans le cadre du 49th Medieval and Renaissance International Music Conference in Lisbon, 5-9 juillet 2021.
35 Voir aussi Stout, « L’auteur au temps du recueil », p. 61-73.
36 Claude Lafleur et Joanne Carrier, éd., L’enseignement de la philosophie au xiiie siècle. Autour du « Guide de l’étudiant » du ms. Ripoll 109, Turnhout, Brepols, 1997 ; Claude Lafleur, « Les textes “didascaliques” (“introductions à la philosophie” et “guides de l'étudiant”) de la Faculté des arts de Paris au xiiie siècle : notabilia et status quaestionis », L’enseignement des disciplines à la Faculté des arts (Paris et Oxford, xiiie-xve siècles), éd. Olga Weijers et Louis Holtz, Turnhout, Brepols, 1997 ; Claude Lafleur, « Les “guides de l’étudiant” de la Faculté des arts de l’Université de Paris au xiiie siècle », Philosophy and Learning. Universities in the Middle Ages, éd. Maarten J. F. M. Hoenen, Jakob Hans Josef Schneider, et Georg Wieland, Leiden-New York-Köln, Brill, 1995, p. 137-199 ; Claude Lafleur, Quatre introductions à la philosophie au xiiie siècle. Textes critiques et étude historique, Paris-Montréal, Vrin-Institut d'études médiévales, 1988.
37 Pascale Bourgain, « Les auteurs dans les “accessus ad auctores” », Auctor et auctoritas in Latinis medii aevi litteris, p. 121. Voir Alain Boureau, « Peut-on parler d’auteurs scolastiques ? » Auctor & Auctoritas. Invention et conformisme, p. 267-279. Voir aussi Lafleur, Quatre introductions à la philosophie au xiiie siècle.
38 Pascale Bourgain, « Les auteurs dans les “accessus ad auctores” », p. 119-131.
39 Saint Bonaventure, Commentaria in quatuor libros Sententiarum, Ad Claras Aquas [Quaracchi], Ex Typographia Collegii S. Bonaventurae, 1882, vol. 1, Prooemio, q. IV : « Quae sit causa efficiens sive auctor huius libri », p. 14-15. Les propos sur les façons de faire un livre ne sont probablement pas entièrement de saint Bonaventure, voir Julien Stout, « L’auteur au temps du recueil », p. 65.
40 Pour une discussion plus approfondie de ce texte, voir Stout, « L’auteur au temps du recueil », p. 64-68.
41 Vincent de Beauvais, Speculum maius, « Libellus apologeticus », version bifaria c. 1244 et version trifaria c. 1259, accessibles en ligne [URL : http://atilf.atilf.fr/bichard/, consulté le 20 août 2022]. Voir Monique Paulmier-Foucart et Marie-Christine Duchenne, Vincent de Beauvais et le Grand Miroir du Monde, Turnhout, Brepols, 2004 ; Monique Paulmier-Foucart, Marie Christine Duchenne et Serge Lusignan, dir., Lector et Compilator. Vincent de Beauvais, frère prêcheur. Un intellectuel et son milieu au xiiie siècle, Grâne, Créaphis, 1997 ; Serge Lusignan, Préface au Speculum maius de Vincent de Beauvais : réfraction et diffraction, Paris-Montréal, Vrin-Bellarmin, 1979. Pour d’autres analyses de ce texte, Paulmier-Foucart, « L’Actor et les Auctores : Vincent de Beauvais », et Stout, « L’auteur au temps du recueil », p. 68-70.
42 Vincent de Beauvais, Speculum maius, « Libellus apologeticus », ch. 3 (dans les deux versions).
43 Paulmier-Foucart, « L’Actor et les Auctores : Vincent de Beauvais », p. 152. Pour une utilisation comparable des expressions « autor/actor », voir Greti Dinkova-Brunn, « “Autor”, Authorship and the literal sense of the Bible: the case of Leonius of Paris », Bibel und Exegese in der Abtei Saint-Victor zu Paris, éd. Rainer Berndt, Münster, Aschendorff, 2009, p. 259-277.
44 Paulmier-Foucart, « L’Actor et les Auctores : Vincent de Beauvais », p. 155.
45 Alain Boureau observe une transformation similaire, bien qu’il la date d’une bonne décennie plus tard : « Peut-on parler d’auteurs scolastiques ? », p. 276 et suivantes.
46 Vincent de Beauvais, Speculum maius, « Liber apologeticus », ch. 3 « De modo agendi et titulo libri » : « Denique quoniam ut superius dictum est ex diversis actoribus hoc opus contextum est, ut sciatur quid cuius sit, singulorum dictis eorum nomina annotavi ac ne facile transponerentur de locis propriis nequaquam in margine sicut fit in psalterio, et in epistolis Pauli vel in Sententiis, sed intra lineas ipsas sicut in decretis ea inserui. » (Trad. Monique Paulmier-Foucart et coll. Marie Christine Duchenne, Vincent de Beauvais et le Grand miroir du monde, p. 151 (trifaria) : « Enfin, puisque, comme il est dit plus haut, cette œuvre est faite d’extraits pris à de multiples auteurs, pour qu’on sache qui a dit quoi, j’ai noté pour chaque citation le nom d’auteur, et afin que ces noms ne soient pas facilement changés de place, je ne les ai pas mis en marge, comme cela se fait pour le Psautier glosé, pour les Épîtres de Paul ou les Sentences, mais je les ai placés entre les lignes mêmes du texte, comme on fait pour les Décrets.) Voir Paulmier-Foucart, « L’Actor et les Auctores : Vincent de Beauvais », p. 153 et note 26. D’après les éditions disponibles en ligne [URL : http://atilf.atilf.fr/bichard/, consulté le 20 août 2022], ce passage est présent dans les quatre versions : « Liber apologeticus », ch. 2 de la première version (Dijon, Bibliothèque municipale, ms. 568) et ch. 3 des deuxième (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, ms. 18465 et 9152), troisième (Paris, BnF, Lat. 16100) et quatrième (Douai, Bibliothèque municipale, ms. 797) versions.
47 Francesca Gambino, « L’anonymat dans la tradition manuscrite de la lyrique troubadouresque », Cahiers de civilisation médiévales, 43/169, 2000, p. 33-90 ; Wagih Azzam et Olivier Collet, « Le manuscrit 3142 de la Bibliothèque de l’Arsenal. Mise en recueil et conscience littéraire au xiiie siècle », Cahiers de civilisation médiévale, 44/175, 2001, p. 207-245.
48 Frédéric Barbier, Histoire du livre, Paris, Armand Colin, 2000, p. 44-46. Voir aussi Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg. Le livre et l’invention de la modernité occidentale, Paris, Belin, 2006, p. 56-69 ; Besamusca et al., « Author attribution in medieval text collection » ; Marie Jennequin-Leroy, « Le “portrait” d’auteur au Moyen Âge : parcours iconographique à travers les miniatures de quelques manuscrits », Interférences littéraires. Iconographies de l’écrivain, éd. Nausicaa Dewez et David Martens, 2, 2009, p. 27-37 ; Kendrick, « L’image du troubadour », p. 507-519. Voir aussi Albert Derolez, « La page titre dans les manuscrits », La page titre à la Renaissance, éd. Jean-François Gilmont et Alexandre Vanautgaerden, Turnhout, Brepols, 2008, p. 17-36.
49 Un tableau des manuscrits notés de trouvères avec attributions et leur sigle se trouve en annexe. Voir Christelle Chaillou-Amadieu et Fabio Zinelli, « Entretien avec Michel Zink », Les noces de philologie et musicologie. Textes et musiques du Moyen Âge, dir. Christelle Cazaux-Kowalski et al., Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 21-48, ici p. 22-23 : « La relation qui existait à l’époque entre le chant et le poème n’est toujours pas résolue parce que, je le répète, si la mélodie avait exactement la même importance que le poème, des manuscrits aussi soignés que les chansonniers de troubadours conserveraient tous les mélodies. » Christelle Chaillou-Amadieu, « La réception musicale dans le chansonnier de troubadours : le cas du chansonnier R, Paris BnF fr. 22543 », Revue des langues romanes, 124/2, 2020, p. 257-270, ici p. 260 ; Elizabeth Aubrey, « Vernacular song I : Lyric », Cambridge history of medieval music, éd. Mark Everist et Thomas Forrest Kelly, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, vol. 1, p. 382-427, ici p. 398-399.
50 Voir annexes. Elizabeth Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 3. Occitan », et « Sources, III. Secular Monophony, 4. French », Grove Music Online (consulté le 20 décembre 2022) ; Maria Carla Battelli, « Les manuscrits et le texte : typologie des recueils lyriques français », Revue des langues romanes, 100/1, 1996, p. 111-136 et « Le anthologie poetiche in antico-francese », Critica del Testo, 2/1, 1999, p. 141-180.
51 Eduard Schwan, Die altfranzösischen Liederhandschriften, ihre Entstehung, ihr Verhältnis und ihre Bestimmung, Berlin, Weidmann, 1886 ; Battelli, « Les manuscrits et le texte » et « Le anthologie poetiche in antico-francese » ; Huot, From song to book.
52 Huot, From song to book, p. 50. Pour d’autres principes d’organisation ou leur absence, voir Christopher Callahan, « Collecting trouvère lyrics at the peripheries. The lessons of MSS Paris, BnF fr. 20050 and Bern, Burgerbibliothek 389 », Textual Cultures, 8/2, 2013, p. 15-30.
53 Huot, From song to book, p. 46-81 ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French » ; Christopher Callahan, « Collecting Trouvère Lyric at the Peripheries », p. 20 et suivantes ; Daniel O’Sullivan, « Thibaut de Champagne and Lyric Auctoritas in Paris, BnF fr. 12615 », Textual Cultures, 8/2, 2013, p. 31-49 ; Joseph W. Mason, « Debatable chivalry: a jeu-parti by the duke of Brittany and its context », Medium Ævum, 87/2, 2018, p. 255-276 ; John Haines, « The transformations of the “Manuscrit du Roi” », Musica Disciplina, 52, 1998-2002, p. 5-43 ; John Haines, The Musicography of the “Manuscrit du Roi”, thèse de doctorat, University of Toronto, 1998 et Jean et Louise Beck, Les chansonniers des troubadours et de trouvères : le Manuscrit du Roi, fond français no 844 de la Bibliothèque nationale, 2 vol., Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1938.
54 Pour un aperçu de cet aspect, voir le détail des discontinuités par trouvères et par manuscrits dans les annexes.
55 Par exemple, l’ordre des cahiers du manuscrit M (Paris, BnF, Fr. 844) a été perturbé et un cahier supplémentaire (Mt [fol. 59r-77r]) de chansons de Thibaut de Champagne a été ajouté : Alexandros Maria Hatzikiriakos et Maria Teresa Rachetta, « Lo Chansonnier du Roi (BnF fr. 844) e la sua storia. Un nuovo approccio alle aggiunte successive », Philologie et musicologie : Des sources à l’interprétation poético-musicale (xiie-xvie siècle), éd. Christelle Chaillou-Amadieu, Oreste Floquet et Marco Grimaldi, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 143-158 ; Haines, « The transformations of the “Manuscrit du Roi” » ; Haines, Musicography et Beck et Beck, Les chansonniers des troubadours et de trouvères. Un cahier de dits (fol. 128r-133v) a été inséré dans a après les deux dernières sections : Alison Stones, Gothic Manuscripts 1260-1320. Part I, London-Turnhout, Harvey Miller-Brepols, 2013, vol. 2, p. 161 et suivantes et Madeleine Tyssens, « Intavulare ». Tables de chansonniers romans, II. Chansonniers français, 1. a (B.A.V., Reg.lat. 1490), b (B.A.V., Reg.lat. 1522), A (Arras, Bibliothèque municipale 657), Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1998, « Studi e testi, 388 ». Dans T deux sections probablement indépendantes d’œuvres narratives (fol. 197r-222r) ont été insérées : Gaël Saint-Cricq, « Introduction », Motets from the Chansonnier de Noailles, éd. Gaël Saint-Cricq, Eglal Doss-Quimby et Samuel N. Rosenberg, Middleton, Wisconsin, A-R Editions, 2017, p. xvi-xvii, Daniel O’Sullivan, « Thibaut de Champagne and Lyric Auctoritas » et Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French ».
56 Manuscrits M, a (Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, reg. lat. 1490), et K (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, manuscrit 5198) ; voir pour les deux premiers Haines, Musicography, p. 48 et Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French ».
57 Mark Everist, Polyphonic music in thirteenth-century France: aspects of sources and distribution, New York, Garland, 1989, p. 187-195.
58 Le caractère systématique de la taille et de la décoration des lettrines, et de l’importance des rubriques des manuscrits K, P (Paris, BnF, Fr. 847), N (Paris, BnF, Fr. 845) et particulièrement X (Paris, BnF, NAF 1050), crée entre trois et quatre niveaux hiérarchiques dans lesquels les trouvères y sont classés.
59 Huot, From song to book, p. 48-59 ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French » ; Callahan, « Collecting trouvère lyric at the peripheries », et O’Sullivan, « Thibaut de Champagne and Lyric Auctoritas ». La nature hiérarchique du manuscrit M a été remise en question : voir Haines, « The transformations of the “Manuscrit du Roi” », p. 35-36 et Jean Longnon, « Le prince de Morée chansonnier », Romania, 65, 1939, p. 95-100, en particulier p. 98 ; l’interprétation hiérarchique vient de Beck et Beck, Les chansonniers des troubadours et de trouvères, vol. 2, p. 12 ; voir aussi Vladimir Agrigoroaei, « Le Manuscrit du Roi, un chansonnier que le prince de Morée Guillaume de Villehardouin n’a sans doute jamais connu », Textus & Musica, 6, 2022 (consulté le 16 janvier 2023).
60 Maria Carla Battelli, « Le chansons couronnées nell’antica lirica francese », Critica del Testo, 2/2, 1999, p. 565-618.
61 C’est-à-dire entre les instances 1) la représentation de la personne créatrice, et 2) les modalités et les conceptions de la création ; au sujet de l’interaction entre les trois instances de la notion d’auteur telles qu’énumérées en introduction, voir Pascale Duhamel, « Construire l’autoriat musical : pour une approche raisonnée (xiiie-xvie siècles) ».
62 Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », p. 794-795.
63 Paris, BnF, Fr. 844 : 315 x 215 mm ; voir Agrigoroaei, « Le Manuscrit du Roi » ; Federico Saviotti et Christelle Chaillou-Amadieu, « Les dansas du Chansonnier du Roi (Paris, BnF, fr. 844) : à la recherche de fautes dans un corpus d’unica », Textus & Musica, 1, 2020 (consulté le 15 novembre 2022) ; Hatzikiriakos et Rachetta, « Lo Chansonnier du Roi (BnF fr. 844) », p. 143-158 ; John Haines, « Aristocratic patronage and the cosmopolitan vernacular songbook: the Chansonnier du Roi (M-trouv.) and the French Mediterranean », Musical Culture in the World of Adam de la Halle, ed. Jennifer Saltzstein, Leiden, Brill, 2019, p. 95-120 ; Haines, « The transformations of the “Manuscrit du Roi” », p. 5-43 ; Haines, Musicography ; Beck et Beck, Les chansonniers des troubadours et de trouvères, 1938 ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French ».
64 Paris, BnF, Fr. 12615 : 305 x 202 mm ; voir Gaël Saint-Cricq, « Introduction », p. xv-xlii et Gaël Saint-Cricq, « Genre, attribution and authorship in the thirteenth century: Robert de Reims vs ‘Robert de Rains’ », Early Music History, 38, 2019, p. 141-213 ; Daniel O’Sullivan, « Thibaut de Champagne and Lyric Auctoritas » ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French ».
65 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, reg. lat. 1490 : 306 x 210 mm ; voir Stones, Gothic Manuscripts Part I, vol. 2, p. 161-162 ; Kathleen Wilson Ruffo, « The Illustration of Notated compendia of Courtly poetry in late thirteenth-century northern France », thèse de doctorat, University of Toronto, 2000, p. 56-57 ; Tyssens, « Intavulare » Tables de chansonniers romans ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French » ; Andreas Bräm, « Ein Buchmalereiatelier in Arras um 1275 », Wallraf-Richartz Jahrbuch, 54, 1994, p. 77-104.
66 Paris, BnF, Fr. 847 : 200 x 130 mm ; voir Mason, « Debatable chivalry » ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French ».
67 Agrigoroaei, « Le Manuscrit du Roi », paragraphe 2-4 : 1258-1289 ; Hatzikiriakos et Rachetta, « Lo Chansonnier du Roi (BnF fr. 844) », p. 144 : c. 1260 ; Haines, « The transformations of the “Manuscrit du Roi” », p. 16 : « roughly 1255-1270 » ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French » : 1253-1270s ; Mark Everist, Polyphonic music, p. 184-185 : 1253-1277.
68 Saint-Cricq, « Introduction », p. xviii : « late 1260s-late 1270s » ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French » : « 1270s-1280s ».
69 Ruffo, « The Illustration of Notated compendia », p. 56-57 ; voir Bräm, « Ein Buchmalereiatelier in Arras um 1275 ».
70 Tyssens, « Intavulare ». Tables de chansonniers romans, p. 17. Voir Ernest Langlois, Notices et extraits des manuscrits français et provençaux de Rome antérieurs xvie siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1888, tome 23, 2e partie, p. 157-159 et Alfred Jeanroy, Bibliographie sommaire des chansonniers français du Moyen Âge, Paris, Champion, 1918, p. 14.
71 Mason, « Debatable chivalry », p. 259 : après 1270 ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French » : 1270-1280.
72 Voir en annexe le détail des discontinuités.
73 Eduard Schwan, Die altfranzösischen Liederhandschriften. Voir aussi Battelli, « Les manuscrits et le texte » et Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French ».
74 Schwan, Die altfranzösischen Liederhandschriften, p. 151 ; Battelli, « Les manuscrits et le texte ».
75 Battelli, « Les manuscrits et le texte », p. 117-119.
76 C’est l’observation de Besamusca et al., « Author attribution in medieval text collections » pour les collections littéraires.
78 T, fol. 3v-4r (Li rois de Navare) et fol. 56v-57r (Audefrois li bastars) [URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b60007945].
81 Everist, Polyphonic Music, p. 193.
82 O’Sullivan, « Thibaut de Champagne and Lyric Auctoritas ».
83 Par exemple, dans le chansonnier N, la série consacrée à Gace Brulé commence au folio 15v avec la rubrique « Ici faillent les chancons le Roi de Navarre et conmencent les chancon mon seigneur gasse brulle ». Elle s’applique à la première chanson ainsi qu’à toute la série, qui se termine après quarante-neuf chansons au folio 39r par la rubrique introduisant la série suivante : « Ci faillent les chancons mon seigneur Gace brulle et conmencent les chancons au chastelain de couci ».
84 a, fol. 1r.
85 Gace Brulé (fol. 1rb), Colart le Boutellier (fol. 2rb), Jehan de Grivelier (fol. 2vb), Perrin d’Angicourt (fol. 3ra) et Martin le Béguin de Cambrai (fol. 3ra).
86 Par exemple, a, fol. 1r : « Ce sont les cancons le roi de navare », « Che sont les chancons le Castelain de couci », « Ce sont les cancons mon seigneur Gautier de dargies », etc.
87 Voir Gatti, Repertorio delle attribuzioni discordanti ; Pulsoni, Repertorio delle attribuzioni discordanti. Il est intéressant de noter que pour ce qui est des trouvères, Luca Gatti considère ces désaccords surtout comme « la testimonianza di una vitalità letteraria » (p. 9).
88 Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French ».
89 Haines, Musicography, p. 48.
90 a, fol. 6rb, 8rb et 34vb ; M, fol. 30v, 35v, 52v-53r et 84r (Fig. 1).
91 Voir par exemple M fol. 23r (voir Fig. 2), 52v, 80v, 147r-v et 148ra ; P fol. 7v-8r (Fig. 3), 66v, 78v, 81r-v et 95r (Fig. 4) ; T fol. 57r (Fig. 5).
92 Voir par exemple M fol. 137v ; T fol. 55v, 56v (Fig. 5), 86v, 87r-v.
93 Voir par exemple P fol. 5r, 6r, 83r, 88v et 118r (Fig. 6).
94 Vincent de Beauvais, Speculum maius, « Liber apologeticus », ch. 3 « De modo agendi et titulo libri ». Voir note 46.
95 Huot, From song to book, p. 47.
96 Haines, Musicography, p. 51-52 et 62-77.
97 Cet ajout est traité différemment selon les éditions : Alfred Jeanroy, Louis Brandin et Pierre Aubry, Lais et descorts français du xiiie siècle. Texte et musique, Paris, Slatkine Reprints, 1975, p. 4 insèrent les deux vers dans le texte entre crochets droits. Gédéon Huet, Chansons et descorts de Gautier de Dargies, Paris, Firmin-Didot, 1912, p. 59 les ajoute en note de bas de page. Anna Maria Raugei, éd., Gautier de Dargies. Poesie, Firenze, La Nuova Italia Editrice, 1981, p. 278 et 283, les signale uniquement dans son commentaire, puisqu’elle les rejette en raison de la difficulté de les intégrer dans le texte. Jeanroy (p. 4) et Spanke toutefois les acceptent : voir Hans Spanke, « Sequenz und Lai », Studi medievali, 11, 1938, p. 36-67, en particulier p. 50-52.
98 Raugei, éd., Gautier de Dargies. Poesie, p. 283. John Haines ne mentionne pas ce détail, ce qui l’identifie donc avec le notateur de la première phase : son Musicography, p. 69. Cet ajout pourrait être toutefois un peu plus tardif que la première phase.
99 Anne Ibos-Augé, « “L’en i chante et lit”. Le discours musical dans les textes littéraires médiévaux », Les noces de philologie et musicologie, p. 219 et 243, et Chanter et lire dans le récit médiéval. La fonction des insertions lyriques dans les œuvres narratives et didactiques d’oïl aux xiiie et xive siècles, 2 vol., Bern, Peter Lang, 2010, vol. 1, p. 333.
100 Huot, From song to book, p. 54.
101 Anne-Zoé Rillon-Marne, « Images pour l’œil et pour l’oreille au service de la méditation monastique. Le Lignum vitae de Bonaventure dans le manuscrit Darmstadt 2777 », Les noces de philologie et musicologie, p. 500-514. Voir aussi Susan Boynton, « Troubadour Song as Performances: A Context for Guiraut Riquier’s “Pus saber no’m val ni sens” », Current Musicology, 94, 2012, p. 7-36, particulièrement p. 7-13 et Mary Franklin-Brown, « Voice and Citation in the Chansonnier d’Urfé », Tenso, 27/1-2, 2012, p. 45-91.
102 Au sujet de cette posture et pour une réflexion critique, voir Maria Sofia Lannutti, « Poesia cantata, musica scritta. Generi e registri di ascendenza francese alle origini della lirica italiana », Tracce di una tradizione sommersa. I primi testi lirici italiani tra poesia e musica, éd. Maria Sofia Lannutti et Massimiliano Locanto, Firenze, Edizioni del Galluzzo, 2005, p. 157-197.
103 Paul Zumthor, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972, p. 190 : « Verbe et mélodie procèdent d’un élan unique, s’engendrent réciproquement en rapport si étroit que toute analyse devrait porter sur l’un et l’autre » et Zink, La subjectivité littéraire, p. 47-48 : « D’un même mouvement, la chanson cède la place à la poésie récitée, tandis que se dessine et s’impose dans celle-ci la figure du poète. Au terme de cette évolution apparaît la notion moderne de poésie. Même confuse, celle-ci nous est devenue si familière que nous concevons difficilement cet état antérieur, où il n’y avait ni poésie, ni poète, mais des chansons et leurs trouveurs. Si nous saisissons mal ce premier état du lyrisme médiéval, ce n’est pourtant pas faute d’avoir été chapitrés. Nous a-t-on assez répété que la poésie lyrique du Moyen Âge diffère radicalement de celle des siècles ultérieurs et qu’elle est en particulier à l’opposé de la sensibilité romantique qui colore aujourd’hui encore l’image du poète ! Elle ne prétend pas, en effet, livrer les confidences originales d’une personnalité particulière et unique, mais, dans les limites d’une forme obligée et jamais transgressée, d’une écriture dont le code ne renvoie qu’à elle-même et exclut presque tout référent extérieur, anecdotique ou biographique, elle se livre à des variations rhétoriques, rythmiques, mélodiques, suscitant chez l’auditeur le double plaisir de la familiarité pimentée de surprises légères. Cette définition du lyrisme médiéval comme poésie formelle, d’audacieuse et de paradoxale qu’elle paraissait il y a trente ans, est devenue aujourd’hui la plus communément admise […]. Elle s’applique aux chansons des troubadours et des trouvères, et particulièrement à ce qu’ils nommaient eux-mêmes chanson […] ». Il pourrait être intéressant de poser à ce sujet quelques questions aux auteurs-compositeurs de chansons d’aujourd’hui.
104 Chaillou-Amadieu et Zinelli, « Entretien avec Michel Zink », p. 22 et Anne-Zoé Rillon-Marne, « Sortir de l’anonymat. La création musicale au xiiie siècle et la notion de compositeur », L’anonymat dans les arts et les lettres au Moyen Âge, dir. Sébastien Douchet et Valérie Naudet, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2016, p. 241-252, paragraphe 20-21.
105 Francesco Carapezza et Massimo Privitera, « Chi scrive cosa ? Dynamiche autoriali e processi di trasmissione nella monodia dei trovatori e nella polifonia del Rinascimento », Philologie et musicologie. Des sources à l’interprétation poético-musicale, p. 239-256.
106 Susan Boynton fait également référence à la notion d’agentivité : « Troubadour Song as Performance » ; voir aussi Marisa Galvez, Songbook: how lyrics became poetry in medieval Europe, Chicago, University of Chicago Press, 2012 et Elizabeth Aubrey, « References to music in old occitan literature », Acta Musicologica, 61/2, 1989, p. 110-149.
107 Selon les trois instances décrites en introduction, ce point de vue part donc du niveau poïétique pour tirer une conclusion au niveau esthétique (réception).
108 Chaillou-Amadieu et Zinelli, « Entretien avec Michel Zink », p. 22-23 : « La relation qui existait à l’époque entre le chant et le poème n’est toujours pas résolue parce que, je le répète, si la mélodie avait exactement la même importance que le poème, des manuscrits aussi soignés que les chansonniers de troubadours conserveraient tous les mélodies ».
109 Gaël Saint-Cricq, « Genre, attribution and authorship in the thirteenth century », p. 141-213.
110 K, N, P et X, voir table 1 de Gaël Saint-Cricq, « Genre, attribution and authorship in the thirteenth century », p. 145.
111 Grandes chroniques de France, Saint Louis, ch. 17 « Du conte de Champaigne », éd. Jules Viard, Paris, Champion, 1932, vol. 7, p. 67-68.
112 Isabelle Guyot-Bachy et Jean-Marie Moeglin, « Comment ont été continuées les Grandes Chroniques de France dans la première moitié du xive siècle », Bibliothèque de l’École des chartres, 163/2, 2005, p. 393. Voir aussi Bernard Guénée, « Les Grandes chroniques de France, le Roman aux roys (1274-1518) », Les lieux de mémoire 2, éd. Pierre Nora, 3 vol., Paris, Gallimard, 1986, vol. 2, p. 189-214. Voir Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, manuscrit 782, fol. 333rb-va [URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b60012814/f669.double]. Le manuscrit est daté de 1275-1280 par la BnF.
113 Dante, De vulgari eloquentia, éd. et trad. it. Mirko Tavoni, Milano, Mondadori, 2021, et éd. et trad. ang. Steven Botterill, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
114 Dante, De vulgari eloquentia, éd. et trad. fr. Irène Rosier-Catach, Paris, Fayard, 2011, p. 11. Voir aussi Albert Russell Ascoli, « From auctor to author: Dante before the Commedia », Cambridge Companion to Dante, éd. Rachel Jacoff, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 46-66 ; Paolo Canettieri, « La division strophique des chansons des troubadours : entre métrique, musique et syntaxe », Les noces de philologie et musicologie, p. 275-300 ; Margaret Bent, « Songs without music in Dante’s De vulgari eloquentia: canto and related terms », Et facciam dolçi canti: Studi in onore di Agostino Ziino in occasione del suo 65° compleanno, 2 vol., Lucca, Libreria Musicale Italiana, 2003, vol. 1, p. 161-181 ; Maria Sofia Lannutti, « “Ars” et “scientia”, “actio” e “passio”. Per l’interpretazione di alcuni passi del De vulgari eloquentia », Studi medievali, 41, 2000, p. 1-38 ; Rudolf Bockholdt, « ‘Après une lecture du Dante’ : De vulgari eloquentia – Die Canzone als gesungene, als vorgetragene und als vertonte Dichtung », Festschrift für Horst Leuchtmann zum 65. Geburtstag, Tutzing, Hans Schneider, 1993, p. 35-48 ; Siegfried Heinimann, « Poesis und musica in Dantes Schrift ‘De vulgari eloquentia’ », Festschrift Arnold Geering zum 70. Geburtstag, Bern, Paul Haupt, 1973, p. 41-52 ; Enrico Paganuzzi, « ‘Modulatio’ e ‘oda’ nel De vulgari eloquentia », Cultura neolatina, 28/1, 1968, p. 79-88 ; Mario Pazzaglia, Il verso e l’arte della canzone nel “De vulgari eloquentia”, Firenze, La Nuova Italia, 1967.
115 À ce sujet, voir Rosier-Catach, dir., De vulgari eloquentia, p. 263-264, 273-274. Voir aussi Mirko Tavoni, « Introduzione, traduzione e commento », Dante Alighieri, Opere minori I, éd. Marco Santagata, Milano, Mondadori, 2010, par. 8.4 ; Ignazio Baldelli, « Lingua e stile », Enciclopedia dantesca. Appendice, dir. Umberto Bosco, Roma, Istituto enciclopedia italiana, 1978, p. 55-112.
116 Dante, De vulgari eloquentia, II,ix,4, dir. Rosier-Catach, p. 228, trad. p. 229.
117 Dante, De vulgari eloquentia, II,x,1, dir. Rosier-Catach, p. 230, 232, trad. p. 231, 233. Voir aussi trad. Botterill, p. 75 : « […] For some are accompanied by an uninterrupted melody, in an ordered progression from the beginning to end – that is, without any repetition of musical phrases or any diesis […] ».
118 Dante, De vulgari eloquentia, II,x,2-4.
119 Au sujet de l’interaction entre cette structure et la musique, voir les travaux de Christelle Chaillou-Amadieu, en particulier « Le “marqueur sonore” : un exemple de conjugaison subtile des mots et des sons dans l’art de trobar », Tenso, 25.1-2 (2010), p. 36-62, et Faire les motz e’l so. Les mots et la musique dans les chansons de troubadours, Turnhout, Brepols, 2013.
120 Isidore de Séville, Etymologiarum sive originum, III, 15-23, éd. Wallace M. Lindsay, Oxford, Clarendon, 1911.
121 Jérôme de Moravie, Tractatus de musica, éd. S.M. Cserba, Regensburg, Pustet, 1935 ; Vincent de Beauvais, Speculum doctrinale, XVII, 10-35, éd. Gottfried Göller, Regensburg, Gustav Bosse, 1959, p. 86-118.
122 Dante, De vulgari eloquentia, II,iii,6-7, dir. Rosier-Catach, p. 190, trad. p. 191 : « Preterea : illa videntur nobiliora esse que conditori suo magis honoris afferunt: sed cantiones magis deferunt suis conditoribus quam ballate; igitur nobiliores sunt, et per consequens modus earum nobilissimus aliorum. Preterea: que nobilissima sunt carissime conservantur: sed inter ea que cantata sunt, cantiones carissime conservantur, ut constat visitantibus libros; ergo cantiones nobilissime sunt, et per consequens modus earum nobilissimus est » (« En outre, les choses les plus nobles sont à l’évidence celles qui apportent le plus d’honneur à leur créateur. Or les chansons en apportent plus à leur créateur que les ballades ; elles sont donc plus nobles. Et par conséquent leur mode est le plus noble de tous. En outre, les choses qui sont les plus nobles sont celles qui sont conservées avec le plus grand soin. Or parmi tout ce qui est chanté, les chansons sont ce qui est conservé avec le plus grand soin, comme on peut voir en consultant les livres »).
123 Ou plus simplement : dans un contexte où l’emprunt est une technique valide de création, l’emprunteur est un auteur créateur.
124 Voir O’Sullivan, « Thibaut de Champagne and Lyric Auctoritas » ; Mason, « Debatable Chivalry » ; Callahan, « Collecting trouvère lyric at the peripheries » ; Battelli, « Les manuscrits et le texte » ; John Haines, Eight centuries of troubadours et trouvères. The changing identity of medieval music, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 7-48 (chap. « The first readers »).
125 Voir notes 63 à 66.
126 Callahan, « Collecting Trouvère Lyric at the Peripheries », p. 18.
127 Everist, Polyphonic Music, p. 78, 199-200. Robert Lug, « Katharer und Waldenser in Metz: zur Herkunft der ältesten Sammlung von Trobador-Liedern (1231) », Okzitanistik, Altokzitanistik und Provenzalistik. Geschichte und Auftrag einer europäischen Philologie, éd. Angelica Rieger, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2001, p. 247-274. Elizabeth Aubrey, The music of the troubadours, Bloomington, Indianapolis, Indiana University Press, 1996, p. 35. Voir aussi Madeleine Tyssens, « Les copistes du chansonnier U », La lyrique romane médiévale : la tradition des chansonniers, éd. Madeleine Tyssens, Liège, Bibliothèque de la Faculté de Lettres et de Philosophie de l’Université de Liège, 1991, p. 379-397 et « Intavulare ». Table des chansonniers romans II, Chansonniers français 5. U (Paris, Bnf fr. 20050), Liège, Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, 2007, « Documenta et instrumenta, 5 ».
128 Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French ».
129 Nicolaas Unlandt, Le chansonnier français de la Burgerbibliothek de Berne, Berlin, Boston, de Gruyter, 2012, p. lix. Voir aussi Christopher Callahan, « Thibaut de Champagne and disputed attributions: The Case of MSS Bern, Burgerbibliothek 389 (C) and Paris, BnF fr. 1591 (R) », Textual Cultures, 5/1, 2010, p. 111-132.
130 Callahan, « Collecting Trouvère Lyric at the Peripheries », p. 16.
131 Le manuscrit français V est daté selon une rubrique (fol. 120) d’après 1266 et originaire d’Artois ou d’Île-de-France. Voir Fiona McAlpine, Un chansonnier médiéval : édition et étude du manuscrit français 24406 de la Bibliothèque Nationale, thèse de doctorat, Université Paris-Sorbonne, 1974 ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 4. French », et fichier Avril [URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10000509k/f291, consulté le 12 décembre 2022].
132 Cette importance de l’Artois et d’Arras est tempérée dans Olivier Collet, « Le recueil BnF fr. 25566 ou le trompe-l’œil de la vie littéraire arrageoise au xiiie siècle », Les Centres de production des manuscrits vernaculaires au Moyen Âge, dir. Francis Gingras et Gabriele Giannini, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 59-87. Voir Jennifer Saltzstein, éd., Musical Culture in the World of Adam de la Halle, Leiden, Brill, 2019 ; Judith A. Peraino, « Taking Notae on King and Cleric: Thibaut, Adam, and the medieval readers of the Chansonnier de Noailles (T-trouv.) », Musical Culture in the World of Adam de la Halle, p. 121-150 ; Saint-Cricq, « Introduction » ; Marie-Madeleine Castellani et Jean-Pierre Martin, Arras au Moyen Âge. Histoire et littérature, Arras, Arras Presses Université, 1996 ; Michèle Gally, Parler d’amour au puy d’Arras. Lyrique en jeu, Orléans, Paradigme, 2004 ; Battelli, « Le chansons couronnées » ; Roger Berger, Littérature et société arrageoises au xiiie siècle, Arras, Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, 1981 ; Roger Berger, Le nécrologe de la confrérie des jongleurs et des bourgeois d’Arras, Arras, Commission départementale des Monuments historiques du Pas-de-Calais, 1963 ; Jeay, Poétique de la nomination.
133 Parmi les quatre manuscrits examinés, seul M a donné jour à un véritable débat autour des commanditaires et des destinataires. À ce sujet, voir Agrigoroaei, « Le Manuscrit du Roi ».
134 Voir annexes.
135 Geneviève Brunel-Lobrichon, « L’Iconographie du chansonnier provençal R. Essai d’interprétation », La lyrique romane médiévale, p. 248 ; Antoine Tavera, « Les tables du chansonnier d’Urfé », Cultura neolatina, 52/1-2, 1992, p. 23-138 et « Le chansonnier d’Urfé et les problèmes qu’il pose », Cultura neolatina, 38, 1978, p. 233-250 ; Aubrey, The music of the troubadours, p. 46 ; François Zufferey, Recherches linguistiques sur les chansonniers provençaux, Genève, Droz, 1987, p. 130-132.
136 Aubrey, The music of the troubadours, p. 43-46 ; Aubrey, « Sources, III. Secular Monophony, 3. Occitan », et Zufferey, Recherches linguistiques.
137 Aubrey, The music of the troubadours.
138 Stefano Asperti, « Contrafacta provenzali di modelli francesi », Messana, n.s. 8, 1991, p. 5-49 ; Hatzikiriakos et Rachetta, « Lo Chansonnier du Roi (BnF fr. 844) ».
139 Margaret Bent, « Indexes in Late Medieval Polyphonic Music Manuscrits. A brief tour », The medieval book. Glosses from friends and colleagues of Christopher De Hamel, éd. James H. Marrow, Richard A Linenthal et William Noel, Leiden, Brill, 2010, p. 196.
140 Duhamel, « Noms illustres ».
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Pascale Duhamel
Université d’Ottawa
Pascale Duhamel est professeure de musicologie et d’études médiévales et de la Renaissance à l’Université d’Ottawa. Elle travaille actuellement sur l’émergence de la notion de compositeur au Moyen Âge et à la Renaissance (chaire Fulbright), et sur l’enseignement de la musique à l’université de Paris au xiiie et xive siècle.
Polyphonie parisienne et architecture au temps de l’art gothique (1140-1240) (Bern : Peter Lang, 2010) ; « Le Livre dou Voir Dit de Guillaume de Machaut :
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